Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Moonlight gagne Huppert perd

Au terme d’un incroyable cafouillag­e, le film de Barry Jenkins rafle l’Oscar mais c’est La La Land qui triomphe avec 6 statuettes, dont celle de la meilleure actrice à Emma Stone

- PHILIPPE DUPUY pdupuy@nicematin.fr

Pas d’Oscar pour Isabelle. On a déjà le titre, quelqu’un fera peut-être le film. Ayant déjà tout gagné, l’héroïne, au sommet de sa gloire, échouerait sur la dernière marche, battue par une presque débutante. Woody Allen pourrait diriger cette tragicoméd­ie hollywoodi­enne, pleine de glamour, de suspense et de cruauté. Car oui, la déception est cruelle dans le camp français. Aucun de ses représenta­nts à Los Angeles n’a reçu le moindre trophée. Et ce malgré une campagne de séduction des votants menée tambour battant, le sourire accroché aux lèvres par la générale Huppert, pourtant décorée, l’avantveill­e, d’un César de bon augure. On se console avec l’Oscar du meilleur film étranger décerné à Asghar Farhadi pour Le Client :une production française, déjà récompensé­e à Cannes (meilleur scénario, meilleur acteur). C’est déjà ça ! Pour le reste, entre deux saillies anti-Trump et un énorme cafouillag­e final (La La Land annoncé vainqueur à la place de Moonlight !), la 89e cérémonie des Oscars a vu la victoire d’un quasi

inconnu : Barry Jenkins, réalisateu­r noir de 37 ans, originaire de Miami, où il a tourné Moonlight, son troisième long-métrage (les deux précédents, Medicine for Melancholy et Josephine ne sont pas sortis en France). L’histoire d’un jeune garçon noir qui grandit dans un quartier difficile élevé par une mère toxicomane et qui découvre son homosexual­ité… Un drame intimiste et bouleversa­nt, dans lequel le héros, suivi sur une quinzaine d’années, est interprété par trois acteurs

différents. Du très bon cinéma indépendan­t, sous influence Nouvelle Vague. Outre l’Oscar du meilleur film, Moonlight permet à Mahershala Ali (qui joue un dealer au grand coeur) d’emporter celui du meilleur second rôle masculin. Naomie Harris, qui incarne la mère du héros, aurait bien mérité celui du second rôle féminin. Les votants lui ont préféré Viola Davis, partenaire de Denzel Washington dans le très théâtral Fences. Comme il s’agit également d’une actrice

de couleur, on ne pourra pas reprocher aux Oscars d’être « trop blancs » cette année.

Six statuettes !

Quatorze fois nommé et grand favori de l’édition, La La Land rafle six statuettes, dont celles de la meilleure actrice (Emma Stone, qui porte le film sur ses jolies épaules et l’illumine de son sourire) et celle du meilleur réalisateu­r. Damien Chazelle (qui est à moitié français, cocorico !) devient ainsi, à 32 ans, le plus jeune réalisateu­r jamais oscarisé. Xavier Dolan, à peine Césarisé, va en faire une maladie ... Enfin, Casey Affleck (frère de Ben) emporte l’Oscar du meilleur acteur pour son rôle d’homme brisé dans le très beau mélodrame de Kenneth Lonergan Manchester by the Sea (Oscar du meilleur scénario) . Et Disney rafle son cinquième Oscar consécutif avec l’excellent Zootopie. Alors que l’animateur Jimmy Kimmel avait donné le ton dans son monologue d’introducti­on (« Cette émission est regardée dans le monde dans plus de 225 pays qui désormais nous détestent »), la cérémonie a été marquée par le refus d’Asghar Farhadi de venir recevoir l’Oscar du meilleur film étranger. Le réalisateu­r iranien a fait lire une déclaratio­n dans laquelle il expliquait son absence par « respect pour [s]es concitoyen­s et ceux des six autres nations qui se sont vus manquer de respect par la [mesure] inhumaine qui empêche l’entrée des immigrés aux ÉtatsUnis ». SAD (triste), comme le tweetera certaineme­nt Donald Trump…

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