Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Tête à la justice Éric de Montgolfie­r: «La justice retient moins son glaive que par le passé»

L’ex-Premier ministre choisit d’attaquer pour se défendre

- PAR PROPOS RECUEILLIS

Éric de Montgolfie­r, l’ancien procureur de la République coriace de Valencienn­es puis de Nice, est un peu juge et partie. À 70 ans, aujourd’hui retraité, il vient de rejoindre l’équipe de Benoît Hamon comme conseiller justice. Il défend plus que jamais l’idée d’une justice intransige­ante.

François Fillon estime que la justice ne l’a pas traité comme un citoyen normal. Votre sentiment?

Je ne sais pas si devant la justice il y a des citoyens normaux et des citoyens anormaux. Je n’ai pas conscience de ce que cela peut représente­r. Il y a des justiciabl­es auxquels on peut reprocher des infraction­s et c’est le rôle de la justice de les rechercher. Une fois de plus, je suis déçu par quelqu’un qui aspire aux plus hautes fonctions, parmi lesquelles on compte la garantie de l’indépendan­ce de la justice. C’est compliqué de penser que celui qui est candidat à la magistratu­re suprême est celui qui aujourd’hui, parce qu’il en est l’objet, porte atteinte à l’indépendan­ce de l’institutio­n judiciaire.

Malgré tout, la justice ne fait-elle pas preuve de davantage de zèle pour François Fillon que pour d’autres ?

Il me semble que M. Fillon fait partie de ceux, ils sont nombreux, qui réclament que la justice aille plus vite. Alors désormais, elle irait trop vite ? C’est à ne plus rien y comprendre. Est-ce normal, anormal ? Ne vaudrait-il pas mieux, en définitive, pour préserver la démocratie, s’assurer pendant qu’il en est encore temps que le futur Président n’est pas un délinquant ?

Cette célérité de la justice, que l’on n’aurait pas connue il y a dix ou vingt ans, est-elle la preuve que notre démocratie a progressé ?

La justice retient moins son glaive qu’elle ne l’a fait par le passé, quand elle se trouvait en présence de gens puissants. C’est plutôt un bon signe. On verra ce qu’en fera la démocratie à travers ses électeurs. Il restera toujours toute liberté au peuple français d’exprimer son opinion, quoi qu’en pense la justice.

THIERRY PRUDHON

Par

MICHÈLE COTTA

Nouvelle journée folle dans la campagne présidenti­elle. Ayant appris au petit matin qu’il serait convoqué le  mars prochain par le juge Tournaire et ses deux collègues en vue d’une mise en examen dans l’affaire des emplois présumés fictifs visant son épouse et lui-même, François Fillon, renonçant à la visite prévue du Salon de l’agricultur­e, a choisi sa défense : l’attaque. Ainsi a-t-il solennelle­ment réaffirmé en milieu de journée, à son QG de campagne, entouré de ses soutiens, proches ou moins proches, que, face à l’offensive de la justice, il ne se retirerait pas. Appelant ses troupes à la résistance contre ce qu’il a qualifié d’« assassinat politique », le candidat de la droite et du centre a mis en cause l’ardeur des juges et la rapidité avec laquelle ceux-ci ont établi leur calendrier judiciaire. Voici reposé, à un moment crucial, l’éternelle question des rapports entre justice et politique. Le problème est que, sur le sujet, chacun a sa religion faite. François Fillon et ses amis ne changeront pas d’idée : pour eux, les juges, instrument­alisés, veulent la peau du candidat, rien d’autre.

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(Photo archives P. Lapoirie) Éric de Montgolfie­r : « Il n’y a pas des citoyens normaux et des citoyens anormaux ».

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