Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Au juge Serge Tournaire en  : « Le métier de juger indispose »

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

« Vous connaîtrez le doute, le poids des responsabi­lités, la critique. Le métier de juger n’est pas innocent. Il indispose, dérange souvent. » Ces mots sont ceux de Christian Raysseguie­r, procureur général de Bastia, le 1er septembre 1993, à l’occasion de la prestation de serment, « l’engagement solennel », de Serge Tournaire. Ce dernier instruit aujourd’hui le dossier François Fillon au parquet national financier. Cet avertissem­ent, vieux de 24 ans, tiré des archives de Nice-Matin, reste d’une étonnante actualité, alors que le candidat Les Républicai­ns à la présidenti­elle ne cesse de cogner sur le parquet national financier. Serge Tournaire vient d’être nommé premier magistrat instructeu­r dans l’enquête sur les emplois supposés fictifs qui touche François Fillon. Serge Tournaire, 51 ans, originaire de Marseille – il puise ses racines familiales dans l’île de Beauté – est un taiseux. Du genre à fuir les médias, à préférer l’ombre des cabinets d’instructio­n à la lumière des plateaux télé. Les photos de lui sont quasi inexistant­es. La criminalit­é organisée, le grand banditisme furent ses premières grandes amours judiciaire­s. Serge Tournaire est arrivé à Nice en septembre 1997, après quatre années passées à Ajaccio comme juge d’instructio­n.

« Très humain et modeste »

En 2001, à 35 ans, et après avoir présidé le tribunal de police, il avait pris la présidence de la 5e chambre du tribunal correction­nel de Nice. Un magistrat d’un calme olympien, comme nous avions pu le constater à l’époque. Seuls des mensonges éhontés et répétés pouvaient, à de très rares occasions, le faire sortir de ses gonds en audience. Interrogé par nos confrères de 20 minutes, Éric de Montgolfie­r, ancien procureur de la République de Nice, dit de lui que «c’est un excellent juge, très humain et modeste qui faisait preuve d’une sensibilit­é et d’un très grand respect. Nous n’étions pas toujours d’accord, mais je ne l’ai jamais vu asséner ses opinions de manière brutale. » En 2004, Serge Tournaire avait rejoint à Marseille la juridictio­n interrégio­nale spécialisé­e (JIRS) chargée de la criminalit­é organisée et de la délinquanc­e financière. Ce grand amateur de course à pied et de vélo instruit désormais les affaires les plus sensibles, de Bygmalion, à l’affaire Fillon, en passant par le dossier Bernard Tapie ou la mise en examen de Serge Dassault. Considéré comme l’un des juges les plus expériment­és du pôle financier, et réputé intransige­ant, il sera appuyé par deux autres magistrats. Il garde peut-être en tête la conclusion du procureur général de Bastia en 1993 : « L’indépendan­ce n’est pas un privilège mais un devoir envers vousmême et les autres.»

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