Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Le voyage dans le Var du jeune roi Louis XIV

- ANDRÉ PEYREGNE

Le jour où, en 1847, le prince Gagarine, homme de confiance du tsar Nicolas 1er, débarqua à Nice pour une mission d’espionnage, le peintre niçois Joseph Fricero ignorait que sa vie allait changer. Joseph Fricero, né à Nice en 1807 d’un père ligure négociant en vins et d’une mère antiboise, avait étudié la peinture à l’école de Barbéri, rue de la Condamine, dans l’ancien couvent des jésuites. Il était devenu un portraitis­te renommé dans la bonne société et un aquarellis­te des paysages niçois. La famille Fricero vivait au 5 de l’actuelle place Garibaldi, dans la maison qui abrite aujourd’hui le café de Turin et qui, pendant tout le XIXe siècle, fut appelée Casa Fricero. Gagarine, se liant d’amitié avec le peintre niçois, lui propose un voyage à Saint-Petersbour­g. Fricero accepte. Là, le peintre niçois est reçu par la famille impériale. À la Cour vit discrèteme­nt une énigmatiqu­e jeune femme âgée de 22 ans Youzia. Belle avec son visage aux lignes pures et sa chevelure qui ondule en boucles sur son visage, elle entretient le mystère sur sa personne. Elle est une fille naturelle du tsar. Nicolas 1er avait rencontré sa mère, suivante de la reine de Suède, lors d’un bal en 1824. Une liaison secrète s’en était suivie d’où était née Youzia. Afin qu’elle ait un nom, la mère avait épousé un certain Koberwein dont elle avait ensuite divorcé. Joseph Fricero et Youzia Koberwein tombent amoureux. Joseph décide de faire connaître Nice à Youzia. On embarque à Odessa, en compagnie de Madame Koberwein mère. Direction Constantin­ople. Puis Constantin­opleNice. Les choses se précipiten­t. Bien que Joseph ait dix-huit ans de plus que Youzia, ils se marient à Marseille en janvier 1849. Retour à Nice, puis à Saint-Petersbour­g une fois l’hiver passé. Le tsar y installe le peintre niçois dans des ateliers du Palais d’Hiver. À l’automne 1849, Youzia attend un enfant. Elle souhaite qu’il naisse à Nice. Mais les choses traînent, le voyage est interminab­le et c’est sur le chemin du retour, à Odessa, que, le 9 février, naît Alexandre. Il aura pour parrain le futur tsar Alexandre II.

Ils reçoivent l’impératric­e

Revenus à Nice, les Fricero, aidés financière­ment par Nicolas 1er, achètent un vaste domaine sur la colline Saint- Philippe, comportant plusieurs maisons et une petite chapelle, au 49 de l’actuelle avenue d’Estienne d’Orves. C’est là qu’après la mort du tsar Nicolas 1er, sa veuve l’impératric­e Alexandra Feodorovna, viendra rendra visite au couple Fricero, le 28 mars 1857, ainsi que le relate Serge Romain dans son article sur le peintre niçois dans Nice-Historique. Cette visite n’est pas simple pour l’impératric­e : l’existence-même de Youzia Fricerio, fille naturelle de son défunt époux, est la preuve vivante que celui-ci l’a trompée ! L’Avenir de Nice raconte la visite en ces termes : « Hier matin, l’impératric­e et la Cour impériale sont allées déjeuner à la villa Fricero, de Saint-Philippe. La grande-duchesse Hélène, épouse du grand-duc Michel, frère de Nicolas 1er, le prince héritier de Wurtemberg et son épouse la grande-duchesse Olga étaient de la partie. La musique de la garnison avait été appelée à embellir cette fête de ses charmantes fantaisies.» L’impératric­e reviendra. Lors de son second et dernier séjour à Nice, en 1858, elle se rendra à nouveau chez les Fricero, ainsi que le rapporte la presse de l’époque : « Lorsque le temps le permet, l’impératric­e douairière se fait porter sur les collines si poétiques de SaintPhili­ppe. On y a construit à mi-côte un banc rustique que les gens de l’endroit désignent sous le nom de banc de l’impératric­e. » Joseph, qui a maintenant quatre garçons – dont l’un, Nicolas deviendra officier de la marine impériale - continue à peindre de beaux paysages niçois. Mais peu à peu, il voit son aura s’estomper dans les milieux artistique­s. C’est dans l’amertume qu’il s’éteint le 26 septembre 1870 à l’âge de 63 ans. Chez les collection­neurs privés ou aux cimaises des musées, ses aquarelles continuent à scintiller du poudroieme­nt doré dont il les avait dotées.

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(Photo DR) Ci-dessus l’autoportra­it de Joseph Fricero. Ci-contre son épouse Youzia.

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