Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Ce Niçois tatoue les boss de la mafia japonaise

Ce soir sur M6, David Cardoso, alias David Raspoutine, raconte son initiation par un maître japonais et son immersion dans le monde très secret des yakuzas

- Recueillis par LAURE BRUYAS lbruyas@nicematin.fr

Un Niçois dans le secret de l’empire du Soleil-Levant. À 37 ans, David Cardoso – David Raspoutine de son pseudo – est un des rares étrangers à avoir été initié au tatouage traditionn­el par un des derniers maîtres japonais. Une plongée dans le Japon ancestral, pays des samouraïs, des contes et légendes. Plongée aussi au coeur des rites et des codes des yakuzas, ces mafieux japonais qui exigent une phalange pour prix de toute erreur. À voir ce soir sur M6 dans un numéro de Zone interdite consacré, à partir de 21 heures, au phénomène du tatouage.

Comment êtes-vous devenu apprenti tatoueur au Japon ?

J’ai commencé le tatouage il y a une dizaine d’années en France et en Ukraine. Très rapidement, je me suis intéressé au tatouage japonais. Très spécifique, il est inspiré par le bouddhisme, le shintoïsme et fait référence à la mythologie japonaise de la période Edo. Il est pratiqueme­nt impossible de trouver quelqu’un qui puisse vous former. Cela s’est fait un peu par hasard. J’avais parmi mes contacts sur les réseaux sociaux, maître Honda Tsuyoshi, sans vraiment savoir qui il était. Il me mettait des « J’aime » sur mes dessins. Un jour, je lui ai répondu. On a discuté et j’ai réalisé : je parlais à l’un des derniers maîtres à avoir la maîtrise du tebori, le tatouage traditionn­el. Il avait été formé par Maître Nakamura, une référence. Je lui ai demandé s’il m’acceptait comme apprenti (un deshi en japonais). Il m’a opposé un «non» catégoriqu­e. On est resté en contact deux ans. Je ne cessais de lui demander s’il avait changé d’avis. C’était toujours non. Un jour, c’est lui qui m’a demandé si je réalisais ce qu’était d’être un deshi et si je le voulais vraiment.

Vous voilà dans la peau d’un deshi (un disciple)…

Je suis arrivé au Japon à Fukuoka dans le sud. Quand on est deshi, on entre véritablem­ent dans la famille. On devient un membre du clan. Le maître n’a pas de studio de tatouage ou de boutique sur rue. Il travaille chez lui, c’est le workshop . Il m’a enjoint à avoir un style de vie sain et appris à préparer l’encre, à fabriquer des aiguilles, à dessiner.

Et vous avez découvert que votre maître était le tatoueur des parrains de la mafia…

Au Japon, le tatouage est mal vu. Il y a des restaurant­s qui interdisen­t l’entrée aux personnes tatouées. Pareil pour la piscine, la plage… La clientèle de maître Honda Tsuyoshi est composée à  % de yakuzas. J’ai très vite compris qui étaient les clients…

Votre baptême du feu : tatouer le grand chef…

C’est impression­nant. La mafia japonaise a des codes très durs. Mais les yakuzas sont très polis, très éduqués, calmes. Une fois, j’ai tendu la main pour dire bonjour à l’un des boss : ça l’a amusé. Je n’avais pas peur : à partir du moment où tu fais les choses naturellem­ent et bien, ça se passe bien.

Certains tatoueurs maladroits y ont laissé des morceaux de doigts…

Quand un membre fait une erreur, il se coupe une phalange pour se faire pardonner. C’est arrivé à un tatoueur qui avait dessiné l’image à l’envers…

Vous êtes de retour à Nice…

C’est la ville où j’ai grandi. Je suis allé à l’école des Baumettes, au collège Alphonse-Daudet. J’ai fait des études d’arts plastiques au lycée Honoré-Estienne-d’Orves. Et puis mon premier tatouage c’était à Saint-Laurent-du-Var, c’est ce jour-là que j’ai eu le déclic. Le maître Honda Tsuyoshi est venu, je lui ai fait faire le tour de la ville, il adore la socca ! Il reviendra pour le « Nice internatio­nal tattoo festival » en avril.

Et puis vous avez un projet…

Le shop de quartier qui va tatouer un petit coeur sur les fesses ça ne m’intéresse pas, même si je l’ai fait pour gagner ma vie. Je vais monter un atelier à la japonaise dans un appartemen­t rue ReineJeann­e. Ce sera le seul à Nice et peut-être le seul en France à proposer, sur rendez-vous, du tatouage traditionn­el : le maître Honda Tsuyoshi dessinera et je tatouerai.

 ?? (Photo M/Sabrina Van Tessel) ?? David Raspoutine (à droite) a fait ses armes avec maître Honda Tsuyoshi au Japon. Son baptême du feu : tatouer le grand chef de la mafia japonaise.
(Photo M/Sabrina Van Tessel) David Raspoutine (à droite) a fait ses armes avec maître Honda Tsuyoshi au Japon. Son baptême du feu : tatouer le grand chef de la mafia japonaise.

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