ET UN JOUR...
Le 21 décembre 1971, le pont levant des chantiers navals de La Seyne a vu tomber à la mer des wagons de marchandises, après leur course folle depuis la gare
Au début du XXè siècle, des cartes postales évoquent fièrement les chantiers navals de La Seyne. Une de ses attractions, c’est un pont. Il se couche sur l’eau à l’entrée du port pour faire passer les trains de marchandises qui arrivent de la gare ou se redresse pour laisser passer les bateaux. Il est alors actionné par une machine à vapeur. Une merveille technologique, à laquelle des prisonniers allemands de la Première Guerre mondiale ont contribué. Ce pont métallique, appelé au fil du temps pont levant ou pont transbordeur, a cessé son activité, en , après ans de service. Mais il reste planté-là, sans plus bouger, telle une sentinelle du passé. Il a été mis en service en et inauguré trois ans plus tard. L’idée de livrer directement par wagons les matériaux nécessaires à la construction navale, s’est imposée dès l’arrivée des trains à La Seyne en . Des wagons qui, le décembre , se sont détachés d’un convoi immobilisé en gare de La Seyne, ont pris de la vitesse sur la pente douce qui les conduisait jusqu’à la mer, ont franchi les passages à niveau qui n’étaient pas baissés, coupant la route aux voitures et aux piétons. Ils ont fini leur course en mer, avec leur chargement de tonnes, des tôles essentiellement. Et pour cause, personne ne les attendait ces quatre wagons, pas même le pont, qui les a regardés se jeter dans le port, sans pouvoir leur tendre la perche, planté droit comme « i » qu’il était, à ce moment-là.
En panne, il bloque l’entrée d’un bateau à vapeur
Lucien Conac, président de l’AMIANS, Association de maintien des intérêts des anciens de la navale de La Seyne, se souvient les avoir vu passer. C’était le matin à l’embauche. Il se répète encore que « c’est un miracle qu’il n’y ait eu aucun blessé. »
C’est une grue flottante, capable de soulever tonnes, qui va sortir les ouvriers de ce pétrin. L’incident a fait quelque raffut sur le port et autour du monument aux morts. Celui-ci n’existait pas encore quand le pont a fait ses premières bascules en , après une construction retardée par la Première Guerre mondiale. Dès les premiers essais, une grue était déjà intervenue pour résoudre un gros problème. En effet, le mai , le pont était resté baissé, refusant de se relever. À l’époque les bateaux à vapeur faisaient déjà la navette vers Toulon. Les passagers ont été débarqués avant le pont, la grue a ensuite soulevé le bateau et l’a posé de l’autre côté. Mais de mémoire des ouvriers, le pont a été un fidèle serviteur. Lors du confit de -, il a été sauvé par des résistants, qui ont réussi à couper les fils qui le reliaient à des explosifs. Il fête cette année ses cent ans. La ville promet quelques festivités pour l’honorer, lui qui, grâce à la persévérance de l’AMIANS, est inscrit aux Monuments historiques.