Var-Matin (La Seyne / Sanary)

1660 : le voyage dans le sud du jeune roi Louis XIV

À 21 ans, le roi se rend à Saint-Maximim, Solliès-Ville, Solliès-Pont, Belgentier, Toulon, Hyères, Brignoles et Cotignac où, vingt-trois ans plus tôt, un prêtre a prédit sa naissance

- ANDRÉ PEYREGNE

Sur la route en provenance d’Aix-en-Provence montait la clameur sourde d’une armée en marche. Cinquante carrosses, des chariots par dizaines, plus de cent mulets, des gardes à cheval, un bataillon de mousquetai­res s’avançaient en cette froide journée d’hiver. Ce n’était pourtant pas la guerre. En ce 4 février 1660, le roi Louis XIV, âgé de 21 ans, avait tout simplement décidé de rendre visite à cette région de Provence, et en particulie­r à des cités qui, après la Révolution, deviendrai­ent des communes du départemen­t du Var. Il se déplaçait avec sa famille et sa Cour. À cette époque, il était célibatair­e. Sa mère avait pris place dans le carrosse qui suivait le sien. Dans le cortège se trouvaient son frère Philippe, duc d’Anjou, sa cousine appelée Grande Mademoisel­le, des nobles de la Cour, des médecins, chirurgien­s, cuisiniers, pâtissiers, échansons, barbiers, musiciens, des aumôniers ainsi que les confesseur­s du roi et de la reine. Parmi les mousquetai­res figurait un certainCha­rles de Batz de Castelmore, qui deviendrai­t plus tard universell­ement célèbre sous le nom de d’Artagnan dans le roman d’Alexandre Dumas Les trois Mousquetai­res.

Solliès s’endette pour le roi

Le 4 février, on arrive donc à SaintMaxim­in. Louis XIV et sa mère logent dans les bâtiments attenants au couvent. Ils sont venus ici pour aller se recueillir dans la grotte de la Sainte-Baume où Marie-Madeleine, témoin de la vie du Christ, a fini ses jours. Le pèlerinage a lieu le lendemain. Le roi monte dans le carrosse de sa mère jusqu’à la forêt de la SainteBaum­e puis continue à cheval jusqu’à la grotte en suivant le chemin qui s’élève à travers la forêt. Il achève le trajet à pied tandis que la Reine mère et ses dames de compagnie sont sur des litières portées par des hommes. Arrivé à la grotte imprégnée du mystère de la présence de Marie-Madeleine, tout ce monde prie longuement. Le Roi s’agenouille, puisant en cet humble lieu creusé à flanc de montagne, des sentiments de grandeur et d’humilité. Une fois redescendu à la basilique de Saint-Maximin, le Roi transférer­a les reliques de la sainte, qui étaient jusque-là conservées dans la crypte, dans une urne de porphyre qui a été bénie par le pape. La Reine mère recevra un étrange cadeau : une vertèbre extraite de ces reliques. Le 6 février, le cortège royal quitte Saint-Maximin. Il se dirige vers Solliès-Ville et le château des Forbin, seigneurs du lieu – château, en ruine aujourd’hui. Le roi et la Reine mère y passent une nuit tandis que la Cour loge dans des maisons qui ont été réquisitio­nnées. La communauté des Solliès, qui comprend à l’époque les territoire­s de Solliès-Ville et Solliès-Pont, ainsi, d’ailleurs, que ceux de Solliès-Toucas et Solliès-Farlède, a engagé des frais considérab­les pour réparer les chemins, faire venir des vivres, installer des écuries, acheter du fourrage pour satisfaire aux besoins du cortège royal. Les habitants prononçant « soulié» le nom de Solliès, Louis XIV aurait dit au seigneur Forbin : « Avec deux souliers comme ceux-ci, vous êtes le mieux chaussé du Royaume ! » Le lendemain, 7 février, a lieu l’entrée solennelle dans la ville de Toulon. Il est 15 heures, devant la porte Saint-Lazare. Les cloches sonnent, les canons tonnent. L’avocat Possel a été désigné pour prononcer le discours d’accueil tandis que le premier consul de la ville, un octogénair­e nommé Charles Gavot, remet au roi les clés de la cité. Louis XIV et sa mère logeront dans l’hôtel de ville. Situé sur le port, le bâtiment, terminé depuis peu, présente à l’entrée les célèbres statues des cariatides de Puget. Le bâtiment qui existe encore, abrite aujourd’hui des services de la mairie. Le roi restera douze jours à Toulon. La visite est d’importance. Le port de Toulon a un rôle capital dans la défense du pays. La visite de la rade et de l’arsenal suscite toute l’attention du souverain, ainsi que de son premier ministre le cardinal Mazarin qui, absent au début du voyage, le rejoint le 14 février. Plus tard, il enverra Vauban, réaménager les lieux. Tandis que le roi visite les endroits stratégiqu­es, les dames de la Cour s’égayent dans le jardin du chevalier Paul, capitaine chasseur de corsaires fort connu dans la région.

Un geste envers les Hyérois

Celui-ci, qui est un farceur, s’est amusé à faire confire des oranges sur les branches des arbres. Une fois rentrées à Paris, ces dames répandront le bruit qu’à Toulon, les oranges poussent toutes confites sur les arbres !

Au milieu de son séjour à Toulon, le 9 février, le roi se rend à Hyères. « - Sire, pouvez-vous améliorer la vie des Hyérois», lui demande une délégation ? Il répond : - Quelle est la distance entre Hyères et Toulon ? - Quatre lieues, Sire ! - Eh bien, désormais, je ferai en sorte qu’elle ne soit plus que de trois lieues ! » Cette boutade eut une conséquenc­e : la décision de ne plus payer le déplacemen­t des huissiers de Toulon à Hyères que pour trois lieues au lieu de quatre. Cela diminua d’autant les frais administra­tifs des Hyérois ! Louis XIV quitte Toulon le 19 février. Étape suivante à Belgentier. Là, le roi et son entourage logent dans le château, où est né le plus illustre enfant du village, le savant Nicolas Peiresc (1580-1637).

Le roi assiste à la messe le 20 février et donne 5 louis d’or à la quête.

Les Brignolais offrent des prunes

Direction Brignoles, ensuite. Venus de toutes les campagnes environnan­tes, les gens se massent sur le passage du cortège. Le roi est là ! La Cour se voit offrir des caisses entières de ces prunes séchées appelées « pistoles », célèbres dans tout le pays depuis qu’elles ont été offertes pour la première fois à un roi de France, François 1er, lors de sa venue en 1538. Le voyage n’est pas fini. Il va bientôt atteindre son point culminant: l’église Notre-Dame-de-Grâces à Cotignac. On s’y rend en passant par le Val et Montfort. C’est dans la petite église NotreDame-de-Grâces, au milieu de la nature et des pins maritimes, que, vingt-trois ans plus tôt, en 1637, le moine Fiacre aurait

eu une « révélation ». Et l’on prétend que, grâce à cette révélation la mère de Louis XIV, infertile pendant vingt ans, aurait pu être enceinte (voir encadré ci-dessus). Le roi de France se trouve là devant le lieu sacré qui serait à l’origine de sa naissance ! Un office est célébré par l’évêque de Fréjus. Le roi fait don de sa bague en or. Revenu aux sources de son existence, le roi a achevé son voyage en Provence. Il va à présent se diriger vers Marseille. Au passage, le 22 février, il rend visite, dans son château, au comte de Carcès. Il sait qu’il trouvera à Marseille des terres moins accueillan­tes. Une fronde s’y est levée contre lui les années précédente­s. Alors, pour montrer son autorité, il fera une entrée fracassant­e dans la ville. Au lieu de pénétrer comme tout le monde par la porte, il fera ouvrir une brèche au canon dans le mur d’enceinte. C’est ainsi qu’il pénétrera dans la cité phocéenne. Il était le roi. Tout le monde le saurait à présent !

La visite de la rade et de l’arsenal de Toulon suscite toute l’attention du souverain, ainsi que de son premier ministre le cardinal Mazarin qui, absent au début du voyage, le rejoint le 14 février. Plus tard, il enverra Vauban, réaménager les lieux.

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(Photos DR) 5 Lors de son voyage en , Louis XIV 6, qui se déplace toujours avec un cortège considérab­le 5, s’est rendu à Belgentier comme le relate cette fresque sur le mur de l’église 3, Toulon /, à la Sainte-Baume , ainsi qu’à Cotignac où le frère Fiacre 1...
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(DR) Le château du savant Peiresc à Belgentier qui accueillit Louis XIV le  février , comme en témoigne la fresque reproduite sur notre page de gauche 3.

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