Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Exit les témoins sous X au procès du triple meurtre

Les deux témoins anonymes qui accablent les accusés ont refusé de déposer devant la cour d’assises d’appel du Var, qui a renoncé à les entendre. On lira seulement leurs déclaratio­ns

- G. D.

La cour d’assises du Var, qui juge en appel un triple meurtre à Marseille, sur fond de trafic de stupéfiant­s dans une cité des quartiers Nord, n’entendra pas les deux témoins sous X qui manquent à l’appel. La décision de passer outre a été prise hier après-midi, devant l’échec des recherches confiées par le président Guyon au SRPJ. «C’est le procès de la frustratio­n », en a conclu Me Eric Dupond-Moretti, qui défend Lamine Laribi, accusé avec son frère Mehdi des meurtres de Sonny Albarello, Nouri Oualan et Mohamed Bouhembel. Tous les trois avaient été exécutés le soir du 25 décembre 2011, à l’instigatio­n du troisième accusé Sami Ati, qui selon le juge d’instructio­n avait placé un contrat sur la tête des deux premiers, pour récupérer la haute main sur le trafic dans la cité des Micocoulie­rs.

X a raccroché au nez des policiers

En réponse aux sollicitat­ions du président, les policiers ont indiqué qu’ils avaient pu établir une communicat­ion avec le témoin X3, pour l’amener à déposer en visioconfé­rence sécurisée. « Il a fermement et énergiquem­ent refusé, pour sa sécurité et celle de ses proches. Et devant notre insistance, a coupé tout contact. » Quant au témoin X4, le seul qui a affirmé avoir été présent sur le lieu des faits, à la cité Bassens, et avoir vu quelque chose, les policiers n’ont pu découvrir son adresse.

Pas de renvoi du procès

Devant ces difficulté­s, l’avocat général a renoncé à demander à la cour de délivrer un mandat d’amener pour ces témoins anonymes. « Nous avions demandé une confrontat­ion avec ce fameux témoin X4, si précieux pour l’accusation, a indiqué Me Luc Febbraro. Le juge d’instructio­n nous avait répondu qu’il avait changé d’adresse et changé de vie. » «C’est ennuyeux , a noté le bâtonnier Dominique Mattei. On ne pourra pas lui poser de question. C’est un problème, pour un procès équitable. » «A l’impossible nul n’est tenu, s’est résigné Me Dupond-Moretti, en reconnaiss­ant que le président avait tout essayé. La peur qu’ils invoquent, c’est une excuse bidon. Ils craignent d’être interrogés. Ils craignent la vérité. Pour la défense, l’autre solution serait de demander le renvoi du procès. Mais ça servirait à quoi ? »

Le parloir plutôt que le cimetière

La cour a ensuite entendu les familles des victimes. La mère de Nouri Oualan a livré une déposition assez bouleversa­nte, sur cette soirée de Noël, où elle a vu son fils sortir pour la dernière fois, un sourire aux lèvres, en emportant une part de gâteau. « Je ne savais pas que mon fils faisait partie de ce réseau, a-t-elle répondu au président, avant d’éclater en sanglots. J’aurais préféré qu’il rentre en prison. Je l’aurais vu une fois par semaine au parloir, plutôt qu’une fois par an au cimetière en Algérie. » Le président Guyon donnera aujourd’hui connaissan­ce des déposition­s de tous les témoins qui ne sont pas venus devant la cour, à commencer par celles des témoins X3 et X4. La parole sera ensuite donnée aux avocats des parties civiles.

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(Croquis d’audience Rémi Kerfridin) L’avocat général Martine Assonion a renoncé à contraindr­e les témoins sous X à déposer.

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