Macron le caméléon
Après Bertrand Delanoë, l’ancien maire de Paris, qui s’est rallié publiquement hier à Emmanuel Macron, ce sera peut-être le cas, dans les jours qui viennent du ministre de la Défense, le plus populaire des ministres du quinquennat, le plus respecté aussi, Jean-Yves Le Drian. Bien d’autres ministres feraient de même, si François Hollande ne leur avait pas expressément demandé de « ne pas s’éparpiller en partant dans des coins individuellement ».
Il aura sans doute du mal à se faire entendre par ceux qu’il demande de ne pas aller trop vite. D’abord parce que, comme beaucoup de socialistes, les membres du gouvernement, dont la politique a été systématiquement battue en brèche par Benoît Hamon et ses frondeurs pendant cinq ans, éprouvent quelque difficulté à se rapprocher de celui qui a été, dans la vie de la Ve République, un des seuls membres de la majorité à menacer de déposer une motion de censure… contre la majorité. Comme l’a dit le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, ils ont tous « du mal à se reconnaître dans la campagne de Benoit Hamon ». La gauche était profondément divisée en deux courants antagonistes avant l’élection primaire. Elle le reste après. Et ce n’est pas la proposition-clef de Benoît Hamon sur le revenu universel, même s’il a mis de l’eau dans son vin, qui convaincra certains de se ranger derrière la bannière du candidat socialiste. Son programme, que certains trouvent inapplicable, est aussi jugé « dangereux » par l’ancien maire de Paris, puisqu’il ne parvient pas à rassembler. La gauche social-démocrate, ou sociale-libérale, comme on voudra, se reconnaît davantage dans les propositions d’Emmanuel Macron sur la réforme du travail, par exemple, qu’elle ne se retrouve dans le programme économique de Benoît Hamon. D’où l’arrivée dans les rangs de l’ancien ministre de l’Économie de nombre de socialistes, même si les élus qui ont parrainé Macron ont été sanctionnés par la direction du PS. Emmanuel Macron doit-il s’en réjouir ? Pas sûr. Car si les poids lourds de François Hollande le rejoignent en masse, il risque de perdre son image d’homme ni de droite ni de gauche, en rupture avec la vieille politique, et avec les vieux partis. Il ne souhaite pas le moins du monde que lui soit apposée l’étiquette d’« héritier » de François Hollande. D’où l’obstination avec laquelle ses proches insistent sur les personnalités d’hommes et de femmes venus de la droite qui les ont ralliés, de Jean Arthuis (venu du Centre, ancien ministre de l’économie) à Alain Madelin en passant par Renaud Dutreil ou Jean-Paul Delevoye, tous deux anciens ministres de Jacques Chirac. Dénoncé par Benoît Hamon comme un homme de droite, et comme un homme de gauche par les amis de François Fillon, Emmanuel Macron aura sans doute beaucoup à faire pour sauvegarder la position centrale qu’il revendique dans l’éventail politique. Trop de barons hollandais, et sa barque penchera furieusement à gauche. Trop d’anciens ministres de Jacques Chirac, et elle gitera à droite. A Emmanuel Macron de tenir, s’il le peut, solidement la barre
« Si les poids lourds de François Hollande rejoignent en masse [Macron], il risque de perdre son image d’homme ni de droite ni de gauche. »