Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La politique dans le giron maternel

- THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

«François est resté tel qu’il fut, secret et cloisonné. Donnant l’impression de tout pouvoir subir et encaisser, avec pondératio­n. Jusqu’à ce que parfois un propos, une réflexion, une question malvenue, vienne faire faire sauter le couvercle. Comment mieux dire qu’on est vivant ? » Vous aurez sans nul doute reconnu le François en question. Fillon, évidemment ! La phrase, si juste, est extraite du livre Les politiques ont aussi une mère (1), publié sous la plume de Bernard Pascuito, qui a dirigé plusieurs magazines, et d’Olivier Biscaye, ancien directeur des rédactions du groupe Nice-Matin, aujourd’hui directeur général adjoint de La Manche libre. L’an dernier, Emilie Lanez s’était intéressée aux relations souvent difficiles, tumultueus­es, jusqu’à la rupture quelquefoi­s, entre les politiques et leur père (2). Pascuito et Biscaye abordent la question par le versant opposé. Côté giron maternel, qui est le plus souvent celui de la bienveilla­nce. L’exigence et l’ambition ne sont pas pour autant exclues.

Le plein d’amour

Mais là où le père brime, étouffe, rabaisse parfois, la mère d’homme ou de femme politique est celle qui insuffle la confiance en soi. Toutes veulent le meilleur pour l’enfant chéri, mais elles savent globalemen­t mieux s’y prendre que les pères. Bayrou, Copé, Mélenchon, Filippetti et quelques autres évoquent tous avec tendresse ces mères qui, d’une façon ou d’une autre, ont façonné ou accompagné leur engagement. Jusqu’au tropplein d’amour, parfois. «Longtemps, Jean-François Copé paiera les excès d’amour de sa mère, écrivent les auteurs, par des rebuffades et des jugements définitifs sur sa personne… Son attitude a choqué plus d’une fois. Quand il épouse sa première femme, en 1991, il accueille ses invités d’une phrase qui en dit long : ‘‘Vous avez de la chance, vous êtes au mariage du futur président de la République’’. »

Sarko, ce petit garçon

L’ouvrage, au-delà du rapport à la mère, dévoile aussi le caractère des uns et des autres. Sans être surpris, on apprend que Manuel Valls, petit déjà, aimait les situations « carrées». Il détestait le désordre et rien ne dépassait dans sa chambre. «Au cours de la nuit, il sortait du lit pour remettre ses chaussons bien en place à côté du lit, bien parallèles», relate sa mère Luisa. Le livre, comme une apothéose, s’achève sur les relations de Nicolas Sarkozy avec sa mère Andrée, «Dadue». Celle qui a compensé au centuple l’amour paternel de Pál, le père trop vite parti, avec lequel les relations seront à jamais étiolées. A l’inverse, Sarko est resté pour la vie le petit garçon de « Dadue ». « Je me suis construit dans son regard… Tout ce que j’ai fait dans ma vie, je le lui dois », admet-il. « Et lorsqu’il est trop loin pour la voir, il lui téléphone. Au moins trois fois par jour», assurent les auteurs. Sa révolte, son ambition empressée et son ascension bulldozer n’auront été qu’une manière de « rendre justice » à cette mère dont il enrage qu’elle n’ait pas eu la vie qu’elle méritait, une fois divorcée. 1. Albin Michel, 222 pages, 17 euros. 2. Même les politiques ont un père (Stock).

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