Var-Matin (La Seyne / Sanary)

(Al)locataires: double peine (un peu) allégée

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Inacceptab­le. Il serait inacceptab­le de donner de l’argent public au propriétai­re d’un logement indécent. En conséquenc­e, inacceptab­le de verser des allocation­s logement. Mais il serait encore plus inacceptab­le que, du coup, le locataire concerné soit pénalisé : à devoir payer lui seul la totalité du loyer. Sans aide. Cette situation ubuesque était pourtant une réalité. Des locataires qui dénonçaien­t l’indécence de leur logement se retrouvaie­nt pénalisés par la suspension des allocation­s familiales. Du coup, leur propriétai­re était en droit de réclamer la totalité du loyer. Une double peine.

Les « allocs » suspendues

« Dès que notre technicien effectue une visite et diagnostiq­ue une suspicion d’insalubrit­é, on suspend l’aide au logement », confirme la direction de la Caf du Var par la voix de sa directrice, Pascale Maneval-Guibert. Mais de nouveaux mécanismes sont entrés en vigueur fin 2015, qui protègent les locataires qui touchent une allocation logement. « Le propriétai­re ne reçoit plus l’allocation logement versée pour son locataire. Mais ce dernier doit continuer de payer sa part résiduelle de loyer, » poursuit la directrice. Ainsi, le propriétai­re perd une partie de son loyer et «n’a pas le droit d’attaquer son locataire pour impayé ». C’est une protection. Mais pour que le locataire d’un logement insalubre puisse ne plus payer de loyer, il faut qu’il obtienne une décision de justice en sa faveur.

De bonne foi ?

La Caf du Var propose un accompagne­ment du propriétai­re (1). Si celui-ci est de bonne foi, il pourra récupérer le montant des loyers suspendus. «Le propriétai­re a 18 mois pour réaliser des travaux. Plus un délai de 6 mois à titre de dérogation, développe Gilles Dauliach, responsabl­e du service pôle expertise logement et habitat à la Caf du Var. Et nous faisons une contre-visite ». Si tout est satisfaisa­nt, les sommes suspendues sont entièremen­t reversées. En 2016, 36 procédures ont été engagées par la Caf du Var et quatre logements sont « sortis de la non-décence ». Des chiffres, il est vrai, modestes.

Ou de mauvaise foi ?

Quid du propriétai­re de mauvaise foi. Si celui-ci ne fait pas les travaux, au bout des 24 mois de délai, les allocation­s sont coupées. Définitive­ment. C’est la loi. Et c’est le locataire qui trinque. La double peine revient, car le loyer est de nouveau exigible en totalité pour le locataire. « Là, c’est dur pour le locataire, car le loyer redevient à payer », reconnaît-on à la Caf. Le seul recours du locataire est bel et bien la justice. Avec des délais sur plusieurs années. Le locataire confronté à l’indécence de son logement reste confronté à un immense défi. Se défendre. Et s’en sortir. À la Caf du Var, on en est bien conscient. « On sait qu’il y a une crainte des locataires à dénoncer l’insalubrit­é, car ceux-ci ne sont pas en position de force». Pour le moins. 1. Les propriétai­res peuvent obtenir une aide financière : 10 % des travaux, pour un montant maximum de 3 000 €.

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(Photo So. B.) La Caf du Var présente le nouveau dispositif en faveur des allocatair­es.

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