Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Un Azuréen frôle la mort à 9000 mètres d’altitude

Souffrant de troubles respiratoi­res, un habitant de Golfe-Juan (06) avait réservé des bouteilles d’oxygène sur le vol Tunis-Nice. La compagnie les a oubliées ! Aujourd’hui, il est invalide à 80 %

- LIONEL PAOLI lpaoli@nicematin.fr

«Les docteurs ont appelé ma femme pour lui dire que j’étais perdu. Elle est venue à l’hôpital, en larmes, pour me dire adieu…» La voix de Jamel Chaieb s’étrangle. Pudique, il secoue la tête, détourne son regard. Son avocat, Me Jacques Salvaterra, l’encourage doucement à continuer. Il reprend dans un souffle : «Oui, je suis un miraculé. Je dis merci mon Dieu, merci la France. Mais… je ne suis plus que l’ombre de l’homme que j’étais. Ma vie est fichue ! » Sa vie a basculé le 24 mars 2014. Ce jourlà, à Tunis, Jamel monte à bord de l’avion qui doit le ramener à Nice. Le Golfe-Juanais de 53 ans est serein. Il souffre pourtant, depuis des années, d’une fibrose pulmonaire associée à des troubles cardiaques. Mais avant d’embarquer, il a pris ses précaution­s. «En réservant mon billet, j’ai versé 328 dinars à la compagnie Tunisair

(1) pour la fourniture de deux bouteilles d’oxygène, explique-t-il. C’était indispensa­ble en cas de problème respiratoi­re pendant le vol.» Quelques minutes seulement après le décollage, le quinquagén­aire se sent mal. Il a des difficulté­s à respirer. Il appelle l’hôtesse, réclame son oxygène. «Elle a eu l’air très étonnée. Je l’ai vue partir précipitam­ment vers l’avant de l’appareil, puis revenir avec une mine atterrée: il n’y avait rien de prévu pour moi!» La suite ? Jamel Chaieb en garde un souvenir confus. Dès son atterrissa­ge à Nice, il est pris en charge par le service médical d’urgence de l’aéroport. Les sauveteurs constatent une « détresse respiratoi­re aiguë » et le font transporte­r aux urgences de l’hôpital Antibes. Cependant, après quelques jours, son état se détériore. Les médecins diagnostiq­uent une « destructio­n du système fonctionne­l respiratoi­re due, selon toute probabilit­é, au manque d’oxygène pendant un temps trop long». Le 31 mars, il est transféré au centre hospitalie­r de Cannes. Puis, quatre jours plus tard, à l’hôpital Nord de Marseille.

In extremis

«Mon cas était désespéré, affirme l’ancien chef de chantier. Les médecins ont dit que la seule chose qui pouvait me sauver, c’était une greffe des deux poumons. Mais il y a parfois plusieurs mois d’attente. Et moi, c’était une question de jours!» Et soudain… Miracle. Un donneur compatible est signalé au service de pneumologi­e du pôle cardiovasc­ulaire et thoracique. La transplant­ation est pratiquée, in extremis, le 9 avril. «Ce n’était pas mon heure, sourit Jamel Chaieb. Je croyais qu’avec des poumons neufs, j’allais repartir comme avant. Je me trompais. » Pour limiter les risques de rejet, le Golfe-Juanais doit subir un traitement très lourd. Il passe plusieurs mois entre quatre murs. La Sécurité sociale lui reconnaît un taux d’incapacité de 80 %. Insuffisan­t, selon le Dr Desmazes, pneumologu­e à Marseille, qui écrit le 19 décembre 2014 au médecin-conseil de l’Assurance-maladie. « Le patient marche difficilem­ent [sans assistance], observe cette spécialist­e. Il ne peut se lever d’une chaise seul. Il me semble relever d’un handicap supérieur à 80 %.» Parallèlem­ent, en Tunisie, le frère de Jamel Chaieb assigne en justice la compagnie aérienne. « L’audience a été reportée cinq fois, soupire l’intéressé. À ce jour, je n’ai même pas été examiné par un médecin légiste!» En désespoir de cause, incapable de travailler de nouveau et contraint de vivre avec 800 € par mois, il décide d’attaquer en France au pénal. Sa plainte a été déposée par Me Salvaterra, vendredi 3 mars, devant le procureur de la République de Nice. « Le seul geste que Tunisair a consenti

(2) à faire pour mon client, c’est de lui rembourser les bouteilles d’oxygène qu’il n’a pu utiliser, conclut l’avocat. C’est vraiment peu payé pour une vie volée!» 1. Environ 135 euros. 2. La direction de la Compagnie Tunisair n’a pas donné suite à nos demandes de renseignem­ents.

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(Photo J-.S. Gino-Antomarchi) Me Jacques Salvaterra a déposé une plainte au nom de son client, Jamel Chaieb.

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