Var-Matin (La Seyne / Sanary)

«Montretout, personnage à part entière du FN»

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Grand reporter au journal Le Parisien, Olivier Beaumont s’est plongé Dans l’enfer de Montretout (1). Il renoue les fils de la saga Le Pen à travers l’agitation familiale et politique, l’une chevauchan­t l’autre, dans cet hôtel particulie­r des hauteurs de Saint-Cloud dont Jean-Marie Le Pen a hérité à la fin des années soixante-dix. Une demeure qui se trouverait aujourd’hui au centre d’une procédure de redresseme­nt fiscal (nos éditions du 15 mars).

Montretout a été pour Jean-Marie Le Pen un bureau autant qu’une maison…

Montretout est un personnage à part entière du Front national. C’est le lieu qui a accueilli trois génération­s de Le Pen, c’est le lieu du pouvoir politique puisque le bureau de Jean-Marie Le Pen se trouve au premier étage et qu’il s’y rend encore tous les jours, même s’il ne vit plus sur place. C’est là que Marine puis Marion se sont formées. Et puis c’est aussi le lieu de l’argent, de Cotelec, le bras armé du FN qui finance encore la campagne de Marine Le Pen lors de cette présidenti­elle.

Après le départ de leur mère Pierrette, les trois filles Le Pen y ont traîné leur chagrin. Qu’est-ce qui a fait basculer Marine sur les traces de son père ?

Il y a une part d’atavisme. Toutes les filles Le Pen ont essayé à un moment de s’extirper de cette maison et y sont toujours revenues. Elles ont été à l’école de la rudesse, politique mais aussi personnell­e. Elles ont toujours eu à se justifier et à défendre le nom de Le Pen, à travers lequel elles étaient attaquées. Cela les a endurcies et finalement cela a produit chez Marine, comme chez Marion ensuite, une volonté de redorer le blason familial et de reprendre le combat du patriotism­e. On naît Le Pen et Front national.

Bien qu’il soit largement à l’abri de tout besoin, Jean-Marie Le Pen s’est toujours comporté comme un ancien pauvre qui a peur de manquer…

C’est le paradoxe incarné par cette demeure de Montretout, évaluée entre six et huit millions d’euros, mais qui est très mal entretenue. L’héritage Lambert, en , a apporté la fortune à JeanMarie Le Pen, l’a délesté de toute contrainte financière et lui a donné le confort de faire de la politique sans peur du lendemain. Mais il rappelle tout le temps qu’il a grandi sur un sol en terre battue à La Trinitésur-Mer, qu’il a été pupille de la Nation. C’est vrai qu’il a un rapport avec l’argent tourmenté et ambivalent. On ne sait d’ailleurs pas ce qu’il fait de son argent, il n’a pas un train de vie dispendieu­x. C’est quelqu’un qui a du mal à lâcher l’argent, pour lui comme pour les autres. Les filles le racontent, leurs premières voitures ont été de vieilles guimbardes d’occase. Alors pourtant que Jean-Marie Le Pen est sans doute l’homme politique le plus riche de France.

Cette famille Le Pen apparaît finalement très saltimbanq­ue…

Je ne sais pas si c’est le mot, mais c’est une famille très contrastée, tourmentée, victime de brisures personnell­es qui se sont mêlées aux brisures politiques. Tout s’est confondu et c’est ce mélange des genres que Pierrette et sa fille aînée Marie-Caroline ont fini par fuir, avant Marine ellemême un peu plus tard. Elles en avaient marre que la politique s’invite matin, midi et soir dans la maison.

Le Pen l’assure, Tapie l’a toujours nié : le patron de l’OM est-il venu le voir à Montretout en  ?

Tapie a nié, mais n’a jamais attaqué Le Pen pour diffamatio­n. Il y a un jeu de poker menteur entre les deux. La scène m’a été rapportée par plusieurs personnes ayant fréquenté Montretout et Jean-Marie Le Pen la décrit lui-même de manière très précise…

Quel sentiment vous a laissé cette immersion dans la tumultueus­e intimité des Le Pen ?

Il y a beaucoup de détestatio­n, de violence. Pour moi, Montretout est le lieu de l’hyperviole­nce sous toutes ses formes. En même temps, ces gens finissent toujours par se rabibocher et sont le miroir de nombreuses familles françaises, à la différence près qu’avec les Le Pen, ça se termine toujours devant les caméras de télé. C’est une saga politique et familiale hors normes.

PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

1. Flammarion, 352 pages, 19 euros.

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(Photo Astrid di Crollalanz­a) Olivier Beaumont.

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