L’ami du tireur arrêté hier dans le Var
Killian, 16 ans, le tireur du lycée Tocqueville à Grasse, est entre les mains, avec deux de ses amis, de la police judiciaire de Nice. Des garçons « tourmentés » et « fragiles », selon les enquêteurs
Par chance, il s’est trompé de salle de classe. Sinon… »La réflexion d’un enquêteur confirme qu’on est passé très près d’une tragédie, jeudi, vers 12 h 30, au lycée Alexis-de-Tocqueville de Grasse. D’après les premières investigations, Killian, 16 ans, élève de première, a franchi un grillage pour pénétrer dans l’établissement puissamment armé. Des armes qu’il s’est procurées chez son père et son grand-père qu’il a ensuite placées dans un sac à dos. Complexé, moqué, introverti, il nourrissait depuis des mois un ressentiment envers certains élèves de sa classe. Rien à voir avec un terroriste. Simplement un adolescent décidé à se venger, tourmenté, habité par des images mortifères dont il se repaît sur Internet. « C’est un gamin paumé, inquiétant parce qu’il n’a aucun projet et pas vraiment de regrets », explique une source proche du dossier. Sur son compte Facebook, Killian et son visage d’ange publie des images macabres, sataniques, inspirées de la mythologie nordique. « Celui qui marquera l’histoire avec votre sang », est sa maxime sur son compte Youtube où il consulte des sites pour fabriquer des bombes.
En mission
Il s’est rendu au lycée armé d’un fusil à pompe, de deux pistolets, d’une grenade à plâtre et d’un bâton d’explosif. Killian a blessé huit personnes dont trois par des plombs. « Je n’ai pas rempli ma mission », a-t-il regretté devant le gardien du gymnase, peu avant son arrestation. Plusieurs concours de circonstances ont permis d’éviter un carnage. Le fait que le pistolet s’enraye, le sang-froid et le courage du proviseur, l’intervention d’un
policier hors service (lire en page de droite) mais porteur de son arme et d’un brassard police… « Ce gardien de la paix et deux équipages du groupe de sécurité et de proximité de Grasse ont permis, moins de dix minutes après l’alerte, d’interpeller l’auteur », se félicitait, hier, Laurent Laubry, secrétaire du syndicat Alliance des AlpesMaritimes. La garde à vue de Killian, au sein de locaux de la brigade criminelle de la PJ de Nice, a été prolongée hier soir par le parquet de Grasse. « Le mineur s’explique et accepte de répondre aux questions qui lui sont posées », a précisé Fabienne Atzori, le procureur de la République de Grasse. Un psychiatre a estimé qu’il n’était pas atteint d’une pathologie mentale. Il était à ce jour inconnu de la justice
et personne, dans son entourage ou chez les élèves, n’auraient pu imaginer une telle métamorphose. Jeudi après-midi, le frère jumeau de son meilleur ami avait également été interpellé et placé en garde à vue dès 15 heures.
Troisième interpellation hier
Restait à appréhender le confident de Killian. Même profil tourmenté, même fascination pour les armes et les tueries de masse comme celle de Columbine (13 morts dans le Colorado en 1999)… Les enquêteurs redoutaient que le jeune homme attente à ses jours. Les gendarmes l’ont appréhendé hier vers midi trente dans le secteur de Callian-Montauroux, dans le Var, avant de le remettre aux policiers niçois.
C’est un gendarme auxiliaire de Peymeinade (06) qui a reconnu le jeune homme. Il a été transféré de Fayence à Nice, hier soir. Seul Killian a pénétré dans l’établissement jeudi, mais les enquêteurs de la PJ cherchent à savoir si ses deux amis lui ont apporté une assistance logistique, s’ils étaient au courant du funeste projet.
Jusqu’à quatre jours de garde à vue
Les policiers ont commencé à étudier le matériel informatique et la téléphonie de ces trois jeunes et les films de vidéosurveillance pour préciser le scénario. Ils ont entendu les parents effondrés de ces trois jeunes. Les auditions des témoins et des victimes doivent se poursuivre aujourd’hui.
Le parquet a ouvert une enquête pour tentative d’assassinat, infraction à la législation sur les armes et confection d’explosifs. Rien ne dit que ces chefs de mise en examen criminels n’évolueront pas au fil de l’enquête. Ils permettent surtout, grâce à une procédure dérogatoire, de prolonger les gardes à vue jusqu’à quatre jours malgré le jeune âge des suspects. Il est vraisemblable que les présentations au procureur de la République interviendront lundi. Devant une cour d’assises des mineurs, la tentative d’assassinat est punie d’une peine maximale de quinze ans de réclusion criminelle, à condition que les jurés retiennent l’excuse de minorité.