Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« L’arrêt des combats, oui. Le cessez-le-feu, non. »

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Ce dimanche, comme chaque  mars, vous n’honorerez par l’invitation à venir commémorer le cessez-le-feu en Algérie. Pourquoi ?

Cette date n’a jamais été une date de paix. Elle marque l’arrêt des combats, oui, mais certaineme­nt pas le cessez-le-feu. Les accords d’Evian n’ont jamais été respectés.

C’est-à-dire ?

Que l’État a manqué à sa promesse. Nous avons servi notre Nation, beaucoup d’entre nous sont morts pour elle, les armes à la main. Pourtant, comme les Pieds Noirs, nous avons été abandonnés sitôt la guerre terminée. Devenus traîtres en Algérie, nous y avons été massacrés. En Métropole, nous avons été considérés comme des ennemis, des « Arabes ».

Aujourd’hui, les historiens ont établi les faits. Différents gouverneme­nts ont évoqué la question harkie...

En , puis en , Nicolas Sarkozy trahit deux promesses de campagne, refusant finalement de reconnaîtr­e officielle­ment la responsabi­lité de la France dans l’abandon et le massacre de Harkis. Le  septembre dernier, le Président François Hollande évoque, au nom de la Nation, « les responsabi­lités des gouverneme­nts français dans l’abandon des Harkis, des massacres de ceux restés en Algérie, et des conditions d’accueil inhumaines des familles transférée­s dans les camps en France ».

C’est ce que vous espériez...

Oui, mais cela ne s’est traduit par rien de concret. Il n’y a pas de texte légal faisant état de cette reconnaiss­ance. Ni aucune dispositio­n de réparation. Une reconnaiss­ance médiatique ne suffit pas. Il faut que cette reconnaiss­ance soit gravée dans le marbre légal. Nous interpello­ns les candidats à la présidenti­elle en ce sens.

Qu’est-ce que cela changerait ?

Cela ferait entrer l’histoire des Harkis dans l’Histoire. Nous ne voulons plus être les traîtres, ni les réfugiés mal-aimés d’une guerre civile, oubliés afin de préserver des intérêts économique­s entre deux nations. Nous sommes nés Français, avons combattu pour la France. Certains sont morts pour elle. Elle nous a abandonnés, puis maltraités. Elle a une dette envers nous.

Vous pensez à une indemnisat­ion financière ?

Non. C’est une dette morale. Une dette historique. Nous souhaitons que l’histoire des Harkis fasse son entrée dans les manuels scolaires, afin que notre sacrifice soit enseigné, qu’il ne tombe pas dans l’oubli.

Depuis , chaque  septembre, une journée d’hommage spécifique est dédiée aux Harkis, n’est-ce pas la marque d’une entrée dans l’histoire ?

Les dates se multiplien­t.  mars,  septembre,  décembre... Les anciens combattant­s ne veulent pas du  décembre, les Harkis ne veulent pas du  mars. Le  ne concerne pas tout le monde... Certains maires « oublient » même de la commémorer. Ce n’est satisfaisa­nt pour personne.

Vous êtes fils de combattant harki, père d’un grand garçon ( ans). Comment voit-il votre combat ?

Il ne s’y implique pas... Cependant, le temps passe. Bientôt, les derniers combattant­s disparaîtr­ont, et avec eux la mémoire vivante d’un conflit. Pourtant, les jeunes génération­s préfèrent se tourner vers l’avenir.

C’est une bonne chose ?

Oui et non. Ils souffrent moins, ce qui est bien. Mais je voudrais rappeler aux jeunes que le devoir de mémoire, avant d’être national, est surtout celui qu’ils doivent à leurs parents et grands-parents.

1. La loi française du 23 février 2005 dénoncera le nonrespect des accords d’Évian qui prévoyaien­t pour le futur gouverneme­nt algérien d’assurer la sécurité des Harkis. Le FLN, par la voix du président Bouteflika, assurera qu’il ne s’agissait que d’une « déclaratio­n » qui ne l’engageait pas.

Nous sommes nés Français, avons combattu pour la France. Certains sont morts pour elle. Elle nous a abandonnés, puis maltraités. Elle a une dette envers nous.”

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