Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Les vieux routiers et la bête à concours

- Par DENIS JEAMBAR

« Au fil des semaines, le nombre des abstention­nistes progresse, comme si l’offre élyséenne laissait les électeurs de plus en plus perplexes. »

Les débats télévisuel­s peuvent-ils modifier le cours d’une élection présidenti­elle ? L’histoire ne le démontre guère, même si les face-à-face Giscard-Mitterrand puis Mitterrand-Chirac ont été émaillés d’échanges inoubliabl­es. Avec le recul du temps, on se rend compte qu’avant même ces affronteme­nts d’anthologie, le résultat était déjà inscrit dans les sondages. Tous les candidats de la présidenti­elle  considèren­t, cependant, que les débats qu’ils vont avoir entre eux peuvent encore tout chambouler. Ainsi, les outsiders espèrent-ils, lundi soir sur TF, bousculer les situations acquises et les favoris conforter leur avance. Le casting ne réunit que les « grands » candidats : de gauche à droite, Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon, Emmanuel Macron, François Fillon, Marine Le Pen. Un quintet qui promet d’être cacophoniq­ue, puisqu’ils ne sont d’accord sur rien. Chacun, évidemment, espère tirer son épingle du jeu. Il est vrai que l’électorat n’a jamais été aussi indécis à six semaines du premier tour. Au fil des semaines, à rebours de l’histoire électorale, le nombre des abstention­nistes progresse, comme si l’offre élyséenne laissait les électeurs de plus en plus perplexes. Cet électorat indécis est, pour chacun des candidats, un important réservoir de voix. Ensuite, tous les sondages montrent que l’électorat du favori actuel, Emmanuel Macron, est encore friable : un électeur sur deux du leader d’« En marche ! » dit qu’il peut encore changer d’avis. Une cible pour ses adversaire­s lundi soir. Pour Hamon et Fillon, Macron est l’ennemi numéro . C’est lui qui cannibalis­e les déçus de la droite modérée et de la gauche réformiste. Certes, Fillon doit s’en prendre également à Marine Le Pen, mais l’électorat frontiste est, d’ores et déjà, le plus mobilisé. Pour Hamon, il est aussi nécessaire d’aller chasser sur les terres de Mélenchon, et vice-versa, car près de  % des électeurs de cette gauche ne sont pas encore stabilisés. Jamais, au vrai, on a vu, si près de l’élection, de telles marges de manoeuvre. Et donc d’espoirs entretenus. Les vieux routiers rompus aux débats, Fillon, Hamon, Mélenchon, Le Pen, sont persuadés qu’ils peuvent dominer Macron, novice dans cet exercice. C’est peut-être sous-estimer cette véritable bête à concours. Sa formation technocrat­ique peut lui permettre de tenir le choc sur le fond. Sans doute espèrentil­s le faire craquer, déraper, se contredire, tant son programme est un pot-pourri et sa formation une auberge espagnole. C’est vrai, mais il a montré en quittant le gouverneme­nt, puis en se lançant dans la bataille, qu’il avait des nerfs d’acier et une ambition sans limite. Autant dire que, dans ce débat, tout est possible, car tout y est inédit.

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