Bob Swaim une fenêtre de tir pour un second polar En dates
Deux soirées sont consacrées au réalisateur de La Balance cette semaine à La Garde-Freinet, village où l’Américain s’est installé voici 25 ans. À 73 ans, il aborde son retour au polar « musclé »
Bob Swaim préserve sa sphère privée varoise. Ce jour-là, elle est toute entière dédiée au célèbre photographe allemand Hans Silvester convié par sa compagne publicitaire, Pacha. C’est donc dans sa « cabane au fond du jardin » que le réalisateur américain reçoit. Charmante bicoque en bois chauffée, où il tape ses scénarios. Comme une réminiscence de la chambre de bonne parisienne de 10 m2 où, jeune étudiant américain fraîchement débarqué dans la capitale, loin des turbulences de la guerre du Viêtnam, il se rêvait écrivain sur les pas d’Henry Miller. « J’avais ma machine Olivetti portable… Et puis, je me rendu compte que la solitude de l’écrivain n’était pas pour moi. Le grand ethnologue Edmund Carpenter qui était mon mentor a été le premier à me parler du cinéma comme d’un art, là où chez nous ce n’était qu’un produit de consommation... Je me suis mis à fréquenter assidûment la Cinémathèque de Paris. Je voyais Truffaut, Godard, Tavernier défiler... J’ai attrapé le virus. Puis, j’ai rencontré une Parisienne (sa première femme qui lui donnera deux fils. Elle est décédée depuis, Ndlr) et je me suis mariée !», sourit-il. La presqu’île varoise est alors encore bien lointaine, mais il profite d’une escapade comme cameraman au côté du réalisateur Edward Quinn pour découvrir l’affriolant Saint-Tropez 70’s, alors précurseur de la mode seins nus. Son premier long-métrage à lui n’aboutira qu’en 1977 sous le titre La Nuit de Saint-Germain-des-Prés avec Michel Galabru dans le rôle de Nestor Burma. «Il a été ma première movie star ! Mais j’ai cassé Michel… Il était un acteur comique et j’ai exigé de lui un jeu sobre en me privant de ce qu’il avait à me donner. Je me suis pris pour un réalisateur qui savait tout. En fait je ne savais rien… Je m’en suis excusé auprès de lui des années plus tard », se blâme Bob, accent U.S. prononcé. Signe que le talent est là, son second film, La Balance révèle une nouvelle race d’acteurs - Philippe Léotard, Richard Berry, Nathalie Baye -, attire plus de 4 millions de
spectateurs et rafle trois César. Au point de faire dire aux fines gâchettes de la critique ciné que dans le polar français, « Il y a un avant et un après Balance ».
Algérie, le traumatisme
Son retour au « polar musclé », Bob Swaim a pourtant bien du mal à l’effectuer. Le projet est dans les cartons depuis des années, le scénario bouclé, les premiers lecteurs ne tarissent pas d’éloges, mais le clap frappé du titre Goutte d’Or, demeure désespérément fermé… « C’est mon meilleur film mais les producteurs sont frileux… L’intrigue qui se déroule dans les quartiers chauds de Paris en pleine guerre d’Algérie aborde le problème de l’identité. Un sujet qui se heurte encore à pas mal de réticences en France… C’est dommage », souffle celui qui vote aux Oscars comme aux César. Parce qu’à 73 ans il est dans la transmission, Bob Swaim s’in- vestit dans une école privée de cinéma. Il rêve aussi de coucher sur le papier l’histoire d’un jeune homme qui arrive à Paris dans les 60’s et tombe amoureux de la France. En filigrane son coup de coeur bien entendu. « Ce serait aussi un témoignage pour mes petits enfants. J’ai toujours eu la chance de voyager. Enfant, mon père travaillait pour General Motors, alors j’ai fait le tour des États-Unis. J’ai même vécu au Japon durant la guerre de Corée… Quelle expérience géniale pour un gamin. Ensuite, j’ai continué à bouger avec le cinéma, comme un vagabond du 7e art, mais c’est en France que je suis basé depuis mes vingt ans », confesse-t-il. Même ses demeures successives sont frappées du sceau cinématographique. Lorsqu’il se sépare de son manoir du XVe en Touraine, la nouvelle propriétaire se nomme Annie Chaplin, la benjamine des onze enfants de Charlot. Lui, rachètera dans la foulée la demeure gardoise de la mère de Luc Besson, connu débutant lors de la présentation du Dernier Combat au Festival d’Avoriaz. « Son premier film et son meilleur », tranche l’expert. Alors que deux soirées hommage lui sont consacrées dans son village d’adoption cette semaine, l’Américain songe plus que jamais à prendre la nationalité française. « Je voulais déjà le faire sous Bush Jr, mais il n’était pas si mal finalement comparé à ce dangereux mégalomaniaque qu’est Trump. Bon, ce n’est pas l’Allemagne nazie non plus, mais je rêve vraiment d’une destitution », termine-t-il en tournant le dos à une carte punaisée des U.S.A.
J’ai cassé Michel Galabru...” Trump, je rêve de sa destitution”