Au bonheur des fans
Transformé en piste d’essai ultra moderne lors de son lifting, le circuit Paul-Ricard, après dix ans d’élitisme secret, est redevenu un temple des sports mécaniques chéri du public.
Ressortis de derrière les fagots, ces quelques mots de l’ancien maître des lieux, prononcés il y a près de quinze ans, ne manquent pas
de sel. « Si on me demandait d’organiser un Grand Prix ici, je saurai le faire. Le HTTT est aujourd’hui le seul circuit au monde capable d’accueillir une course de Formule 1 dans les trois minutes. On pourrait très bien se contenter des loges du Paddock Club, des médias et de la couverture télévisée, mais ce serait contre nature car la F1 a besoin de son public. » Fin 2003, alors que la manche française du championnat du monde partie à Magny-Cours en 1991 commence à battre de l’aile, Philippe Gurdjian, l’homme de confiance de Bernie Ecclestone ayant piloté le lifting du circuit Paul-Ricard, laisse la porte entrouverte à un come-back des as du volant en terre varoise.
Modèle économique à réinventer
Réaménagé de fond en comble au tournant de l’an 2000, l’ancien théâtre sudiste du « F1 Circus » (14 éditions organisées entre 1971 et 1990) vient de renaître sous l’appellation « High Tech Test Track ». Traduisez une piste d’essais ultramoderne dédiée uniquement à une clientèle fortunée, telle que l’écurie Toyota F1 qui y a établi son camp de base. La compétition? Aux oubliettes. Les tribunes ? Rayées de la carte. Le grand public itou ! « Si les mordus de sports mécaniques trouvaient ça aberrant, c’était une stratégie sensée, pertinente, à cette époque », confie Stéphane Clair, l’actuel directeur du PaulRicard. « L’entreprise vivait très bien à huis clos dans un environnement privilégié. Elle pouvait s’offrir des équipements de grande qualité sans argent public. Tant mieux pour elle ! Mais, chemin faisant, l’économie a rattrapé le système. La F1 s’est mise à diminuer ses budgets. Quand on voit qu’un team comme Toyota arrête les frais, forcément, des questions se posent. Voilà, il a fallu réinventer le modèle car celui-ci ne pouvait pas perdurer. » La bascule interviendra en 2009. Après une petite décennie d’élitisme secret, Claude Sage, le patron de la société Excelis, est amené à reprendre en main la destinée du circuit avec Gérard Neveu à la direction opérationnelle. Dès le 8 mars, cette année-là, les 4000 places assises, sorties de terre en face de la voie des stands, accueillent les spectateurs aussi ravis que nombreux du premier événement public : la séance d’essais Le Mans Series (LMS) animée par les protos et GT disputant les mythiques 24 Heures sarthoises.
Impossible n’est pas varois !
« Comme on dit, l’église est remise au milieu du village. La cohabitation est possible entre les essais privés et une activité publique qui manquait », commente alors Gérard Neveu. Tout en tempérant les ardeurs de ceux qui rêvent plus grand. « Accueillir la F1 ou le MotoGP, aujourd’hui, c’est impossible. Le circuit n’a pas été remodelé pour de tels événements. Franchement, on peut retrouver de belles ambiances, mais ça ne sert à rien de vivre dans la nostalgie du ‘‘Ricard’’ d’antan. » Et pourtant ! Impossible n’est pas varois, car la montée en puissance se confirme lorsque Stéphane Clair prend les manettes en 2011. Nouveaux outils, marketing adapté, communication rénovée : le virage est négocié pied au plancher. Les World Series by Renault déboulent tout de suite. « Simulation » concluante puisque 60 000 personnes viennent déguster ce cocktail mêlant sport et spectacle. En 2014, c’est au tour du championnat du monde des voitures de tourisme, alias le WTCC, de faire escale au Castellet. Une réussite au début grâce à l’effet Loeb. Si les deux exercices suivants ne confirment pas l’élan initial côté courbe de fréquentation, ils permettent de se familiariser avec le cahier des charges FIA. Dernier cap majeur sur la route aboutissant à la résurrection du Grand Prix de France : le retour du Bol d’Or, en septembre 2015, confirme l’aptitude à recevoir une foule massive (72 000 spectateurs). « Bien sûr, chaque expérience a été débriefée », souligne Stéphane
Clair. « De quoi améliorer progressivement les plans d’occupation du site et de circulation aux alentours. »
De quoi être prêt à actionner le dernier étage de la fusée en 2018, au grand bonheur des fans de F1. Vivement demain !