Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Entre populisme et simplisme démagogiqu­e

- Par MICHÈLE COTTA

Il avait dit que, s’il faisait connaître son choix, il le ferait après le premier tour de la présidenti­elle. Et d’ailleurs, il n’est pas certain que, s’il avait donné le nom de son favori, cet adoubement ait été bénéfique à celui-ci. Si François Hollande a multiplié les interviewe­s, depuis une semaine, avant le  avril, c’est que, face à cette campagne, qui juge-t-il « sent mauvais », il ne se résout pas à se taire. Quatre candidats se disputant les deux premières places, c’est du jamais vu sous la Ve République. Que deux de ces candidats s’érigent en candidats de l’anti-système, que tous deux, portés par la vague de désarroi, de frustratio­n ou de colère, par la volonté de « dégagisme » ambiante, voilà qui, d’un coup, change la donne et justifie la volonté du Président sortant d’intervenir dans le débat. La qualificat­ion de Marine Le Pen pour le second tour ne serait pas une surprise pour François Hollande. Mais il pensait que les différents candidats se chargeraie­nt eux-mêmes de combattre ses idées et son programme. La campagne a tourné autrement : peu de place pour les débats programmat­iques, beaucoup de temps en revanche accordé par les hommes politiques – et les journalist­es – aux polémiques autour de François Fillon. De remise en cause profonde, efficace, du programme de Marine Le Pen, il n’a à peu près pas été question, sauf à l’occasion de quelques prises de becs pendant les débats télévisés, à  ou à  candidats. Ou dans des interventi­ons ponctuelle­s, comme celles de Christian Estrosi, qui n’ont pas été reprises à leur compte par les candidats.

« Le leader de la France insoumise, s’il a du talent, ne représente pas la gauche “qui permet de gouverner” ».

Là est la raison essentiell­e des récentes interventi­ons de François Hollande qui juge devoir avertir les Français du danger qu’ils courent, en sortant, surtout de l’Europe et de l’euro. Ne serait-il pas, dans ce cas, jugé en partie responsabl­e de la montée du Front national ? La question lui serait posée, mais, surtout, il ne pourrait pas éviter de se la poser à lui-même. Différente mais grave aussi, est sa mise en garde contre Jean-Luc Mélenchon, deuxième cible des récentes interventi­ons du chef de l’État. Que celui-ci se hisse dans le peloton de tête, qu’il ait même une chance de coiffer sur le poteau Emmanuel Macron et François Fillon, voilà quelque chose que François Hollande, il y a encore une dizaine de jours, n’avait pas prévue. Il le dit aujourd’hui nettement : le leader de La France insoumise, s’il a du talent, ne représente pas la gauche « qui permet de gouverner ». La qualificat­ion de Mélenchon au second tour serait un formidable désaveu pour François Hollande, qui a passé son quinquenna­t à devoir lutter contre tous ceux, frondeurs ou « mélenchoni­ens » l’ont sans cesse accusé de trahir ses engagement­s. D’autant que depuis , c’est ce combat entre gauche de gouverneme­nt et gauche protestata­ire, qui a dominé la vie politique. François Hollande le souligne aujourd’hui. Populisme de Marine Le Pen, simplisme démagogiqu­e de Jean-Luc Mélenchon, la France peut-elle n’avoir que ce choix?

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