Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« On est déboussolé­s, complèteme­nt noyés »

À Nice, place Arson, au paradis des boulistes, on ne croit plus en la politique. Ou plutôt en ceux qui la font. À tel point qu’on ne sait pas pour qui on va voter lors de cette présidenti­elle

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Àquelques jours du premier tour de l’élection présidenti­elle, nous plaçons les électeurs au coeur de la campagne. Chaque jour, un lecteur nous sert de guide dans son environnem­ent (quartier, immeuble, associatio­n, club, entreprise, commerce) à la rencontre de ceux qui en sont acteurs. Ils commentent la campagne présidenti­elle, l’attitude des candidats, évoquent leurs conviction­s, leurs doutes, leurs attentes. Leurs coups de gueule aussi. Aujourd’hui, tour d’opinions à Nice, sur la place Arson.

«Attendez deux minutes, c’est Fillon qui m’appelle», plaisante José, 77 ans, en dégainant son téléphone. « Dis-lui qu’il n’oublie pas la bouteille de Pastis», rigole Auguste, 72 ans. En plein cagnard, ils tchatchent sur un banc du clos de boules de la place Arson. Avec eux, Jean-Pierre, 58 ans et André, le doyen, 80 printemps. « Tu les fais pas, dis », lâche José. La présidenti­elle ? « C’est la première fois que je suis complèteme­nt noyé », tempête, convaincu, Auguste. Les trois comparses dodelinent. La campagne, cette année, un vrai « batchas » ! José avoue quand même osciller

entre les « trois »... Un joli grand écart. « Macron, Fillon, Le Pen ». « Je balance encore », dit-il. Jean-Pierre, lui, ira chez «les extrêmes ». Il souffle : « J’en ai tellement gobé ces dernières années. » André et Auguste, quant à eux, sont dans la panade. Ils ne savent pas quel bulletin ils glisseront dans l’urne. « On est complèteme­nt déboussolé­s. Et pourtant, j’ai toujours voté, toute ma vie », assure Auguste. L’affaire Fillon, les quatre copains d’Arson s’en fichent un peu. C’est Pastis à l’eau et eau au Pastis ! « Ils font tous pareil, de n’importe quel parti. » Auguste est le plus sévère. «De toute façon, pour être Président, il faut être un menteur. Ils mentent tous. » Et les quatre joyeux locataires matinaux d’Arson de rire... « Vous n’avez qu’à regarder Hollande. Il n’a rien fait de ce qu’il a dit en 2012. » Plus sérieuseme­nt, ils trouvent que les retraités sont

les oubliés de la campagne présidenti­elle. «Si je vous fais voir mes relevés bancaires, vous verrez que ma retraite elle n’a jamais augmenté », jure Auguste. « On ne les intéresse pas, car on n’a pas le pouvoir de faire grève », lance André, casquette enfoncée jusqu’au pif. Sur le banc d’en face, ça titille quand même JeanPierre de parler « sécurité »... « Il faut arrêter de laisser sortir les gens de prison! Une fois dehors, ils commettent des attentats. Tout le monde doit vivre, mais en respectant les lois françaises. » « Ça manque de fermeté tout ça », renchérit André. Et finalement, tous de s’accorder : « Il faudrait un vrai changement à la tête du pays. » « Regardez, là ce sont des

Irlandais qui jouent aux boules », plaisante Auguste. « Même ça, ils nous le prennent », s’esclaffe André. Miracle d’Arson, toutes les nationalit­és se côtoient. Tous les âges aussi. De l’autre côté de la place, une autre génération squatte un... autre banc. David, 24 ans, Sébastien 25 ans et Grégory 32 ans, iront tous les trois voter. Mélenchon pour les deux derniers. Pour David, « surtout pas Le Pen ». Les trois « jeunes » sont concernés par les problèmes d’écologie, de sécurité dans le cadre de la menace terroriste, mais pensent aussi au système de santé. «Il faut de meilleures conditions de travail pour les soignants. » David estime, lui, que (presque) tous les candidats devraient se réunir dans une sorte de « centre ». Pour prendre les bonnes idées, partout où il y en a...

Dis à Fillon de pas oublier le pastis !”

 ?? (Photos Cyril Dodergny) ?? Les trois compères de la place Arson attendent que le quatrième revienne avec le tiercé à remplir. La présidenti­elle pour eux, c’est un casse-tête niçois.
(Photos Cyril Dodergny) Les trois compères de la place Arson attendent que le quatrième revienne avec le tiercé à remplir. La présidenti­elle pour eux, c’est un casse-tête niçois.

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