Les enjeux du débat
Si les sondages d’intentions de vote sont aussi fiables qu’au premier tour, le second tour de la présidentielle ne devrait pas créer une immense surprise. Certes, Emmanuel Macron a perdu, semble-t-il, un peu de terrain, il n’en demeure pas moins que sa marge de sécurité reste considérable : vingt points d’avance sur Marine Le Pen ! Il est difficile de croire que la candidate d’extrême droite puisse inverser le cours du scrutin. Le débat télévisé qui l’opposera, ce soir, à Emmanuel Macron, n’est pas pour autant une rencontre sans enjeu. Tout d’abord, le scénario de ces confrontations n’est jamais écrit d’avance. Chacun des participants peut commettre une faute lourde et y laisser des plumes. Ce risque menace, d’ailleurs, tout autant Marine Le Pen qu’Emmanuel Macron. Certes, la candidate d’extrême droite est dans la position de l’outsider et, à ce titre, peut jouer plus facilement l’offensive mais elle a beaucoup à perdre si elle passe à côté du débat. Même défaite, il lui faut, en effet, pour franchir en juin l’obstacle des élections législatives et engranger un nombre significatif de sièges de députés, obtenir le meilleur score présidentiel possible. Faute de victoire élyséenne, elle a besoin de préserver une dynamique qui en fasse la principale opposante du nouveau Président et la porte-parole durable des anti-Européens. Il lui faut convaincre qu’elle peut gagner un jour la présidentielle et incarner une future alternance. Si elle n’y parvient pas, elle ouvrira un espace à la droite pour se reconstituer et verra le Front national reculer. Pour Emmanuel Macron, le droit à l’erreur n’est pas non plus permis. Force est de constater que sa victoire au premier tour ne l’a pas boosté pour le second. Les sondages lui promettent une victoire plus courte que celle annoncée avant le avril : autour de % alors que les projections prévoyaient au moins %. Comme saisi par l’euphorie de la victoire, sans doute n’a-t-il pas su surfer sur son premier succès et trouver aussitôt un second souffle. Le débat de ce soir est l’occasion pour lui de relancer la machine afin de recreuser l’écart. Il a besoin de la victoire la plus large possible pour se projeter ensuite dans les législatives et obtenir une majorité. Car, si le palais de l’Élysée lui est désormais promis par les sondages, il doit déclencher un vote d’adhésion et pas seulement l’emporter grâce au seul rejet de la candidate d’extrême droite. Ce soir, il est impératif qu'il écarte une victoire à la Pyrrhus, c’est-àdire un succès qui ne lui permettrait pas de réussir en juin une nouvelle et puissante mobilisation autour de son projet. Tout autant que sa victoire, prévisible, c’est aussi son quinquennat qu’Emmanuel Macron joue dans cette confrontation télévisée. Il a l’ardente obligation de rassurer, de convaincre et surtout de réveiller l’enthousiasme et l’adhésion bien au-delà des % d’inscrits qui ont voté pour lui le avril dernier.
« Ce soir, il est impératif que [Macron] écarte une victoire à la Pyrrhus. »