Emmanuel Macron : « Il
A deux jours du second tour, le leader d’En Marche ! nous a reçu dans son bureau parisien. Il est décidé à se battre « jusqu’au bout » pour « expliquer » à la fois son projet et « la faiblesse et les dangers » de celui de son adversaire
Emmanuel Macron est particulièrement attaché aux symboles. Quelques heures avant le débat télévisé de mercredi soir, il nous fait faire le tour du propriétaire du grand bureau de son QG parisien. Fier de nous montrer une affiche de César d’Albert Dubout ou de nous préciser l’origine des deux lampes de mineur qui trônent sur ses étagères. « Une du Nord, une du Sud ». Dans quelques jours, Emmanuel Macron aura changé de bureau. Son élection, dimanche soir, il s’y prépare et a même réfléchi à « un acte symbolique » qu’il garde secret « pour des raisons d’organisation et par esprit de superstition ». Comme déjà habité par la fonction qu’il aspire à exercer, Emmanuel Macron qui bénéficie depuis un an d’un incroyable alignement des planètes mesure le risque de passer du statut d’étoile montante à celui d’étoile filante. « Elles finissent toujours par disparaître. » A deux jours du scrutin, l’heure est grave. Macron le sait : si les Français le choisissent, il n’aura pas droit à l’erreur. Ne craignez-vous pas dimanche un score plus resserré que ce qu’annoncent les sondages, ou même une victoire de Marine Le Pen ? Rien est acquis. C’est pour cela que je me battrai jusqu’au bout. Je veux convaincre, expliquer à la fois le projet qui est le mien, la faiblesse et les dangers du sien. Elle a une stratégie opportuniste cynique qui consiste à utiliser les peurs, à en jouer sans y répondre en rien.
La région Paca a voté massivement FN. Quelles réponses pouvez-vous apporter à cette France qui doute encore de vous ?
Je veux lui dire : le Front national fait le jeu de tout ce que vous détestez. Vous voulez de l’efficacité économique et de la réussite ? Le FN, en sortant de l’Europe et de l’Euro, nous affaiblira. Votre région, où l’on produit des hélicoptères pour l’export, qui est attractive dans le tourisme, ne pourra pas se développer dans un pays qui aura fermé les frontières, qui sera sorti de la monnaie commune avec un scénario complètement ridicule, inefficace et injuste à deux monnaies, le franc le matin, l’euro l’après-midi, une monnaie nationale et une autre pour ce qui est exporté. Personne n’a jamais fait ça hormis Cuba et l’Union soviétique. Sur le plan de la sécurité, Marine Le Pen propose la guerre civile. Elle fait d’une partie de la France, celles et ceux qui croient dans l’islam, un ennemi. Cela fait le jeu de nos assaillants. Ce n’est pas un hasard s’ils ont déclaré souhaiter l’élection du Front national, c’est parce qu’ils veulent que le pays se fracture.
N’y a-t-il pas une incohérence entre votre volonté de rassembler les Français et votre souhait de recourir aux ordonnances ?
Je crois que la clé du rassemblement les Français, c’est d’obtenir des résultats. Il y a donc quelques réformes que je propose de faire vite. L’ordonnance, c’est prévu par la Constitution et je rappelle que cela suppose que le Parlement vote en réalité deux lois : la loi d’habilitation puis la loi de ratification. Donc l’ordonnance évite simplement de passer des mois dans la navette parlementaire, qui n’est pas toujours efficace. Dans le même temps, durant l’été et l’automne, je veux proposer à l’Assemblée de moderniser les procédures. Je souhaite que l’Assemblée contrôle davantage l’action du gouvernement et mette moins de temps à légiférer. Dans les quinze dernières années, on a réformé cinquante fois le Code du travail sans pour autant régler le problème du chômage. Il faut aller vite. Ce qui a tué les deux quinquennats précédents, c’est l’attente.
Il existe une autre fracture autour de la mondialisation, avec une partie de l’électorat qui la récuse. Pensez-vous pouvoir la convaincre ?
Ce débat est totalement tronqué. Moi, je ne suis pas un candidat de la mondialisation débridée. J’ai été ministre de l’Industrie, j’ai protégé l’acier français. Ma différence avec la candidate d’extrême droite, c’est que je ne partage pas l’esprit de défaite. Je ne crois pas aux formules de repli sur le territoire national. Car elles mènent à l’isolationnisme, au protectionnisme, au nationalisme, donc à la guerre. Ce que je propose, c’est plutôt d’avoir une Europe qui protège davantage par sa politique commerciale, et par les régulations qu’elle apporte. Dès le premier Conseil européen, je veux par conséquent porter des réformes profondes : la réforme de la directive travailleurs détachés, une politique encore renforcée de lutte contre le dumping, une politique de lutte contre les traités d’évasion fiscale, un vrai « buy european act », c’està-dire une politique qui favorise les entreprises européennes.
Une rentrée sociale avec des manifestations dans la rue vous paraît-elle inéluctable ?
Non, car ma méthode consistera à expliquer et respecter. Certaines réformes sont prêtes comme celles du travail que j’ai présentée et expliquée tout au long de la campagne. Ensuite, il y a des réformes qui nécessitent une concertation plus en profondeur, car elle n’a pas déjà eu lieu. Celles de l’assurance chômage et de la formation professionnelle, celle des retraites, pour lesquelles je prendrai du temps. Il y a enfin toutes les réformes concernant le pouvoir d’achat des ménages qui se feront à l’automne après des discussions, des concertations, de l’accompagnement. Mais il faut une stratégie d’intervention rapide sur les choses les plus élémentaires dont notre économie a besoin.
Ne risquez-vous pas, si vous êtes élu d’arriver à la tête d’un pays ingouvernable ?
Je ne le crois pas. Nos institutions sont solides. Je suis porté par l’émergence d’une force politique nouvelle, par le retour des citoyens engagés au coeur de la vie démocratique de notre pays. J’espère avoir démontré pendant cette campagne notre capacité à transformer le pays. Il y a un an, mon mouvement n’existait pas, il y a six mois, tout le monde disait que c’était une bulle sur le point d’exploser. Il y a trois mois, personne ne pensait que je serais au second tour de cette élection. Tout cela, c’est la démonstration qu’il se passe quelque chose dans ce pays. Il y a des tensions, mais je suis persuadé qu’une majorité de Français appelle de ses voeux un optimisme et une capacité à faire. Si je suis élu, je m’attellerai à composer un gouvernement fort, une majorité parlementaire et une capacité à avancer.
Comment voyez-vous la recomposition en cours ?
Il y a d’un côté une offre réactionnaire sur le plan sociétal et économique, nationaliste et anti-européenne, qui joue et se nourrit des fractures. De l’autre côté, il y a une proposition patriotique, pro-européenne, réformiste, celle que je porte. C’est une partie de la droite dure et du FN d’un côté et cela va, de l’autre, de la droite modérée à la gauche de gouvernement. Vous avez une troisième force qui a été écartée au premier tour, une gauche conservatrice qui ne veut pas la réforme économique et sociale. A mes yeux, le parti Les Républicains a implosé de l’intérieur dans cette campagne, entre Marine Le Pen et ce que je représente et ne survivra pas à cette recomposition. Et le PS est en train de vivre une évolution comparable, entre Mélenchon et notre mouvement. C’est ce que j’annonçais depuis avril , au moment de la création d’En Marche !
Je n’ai jamais fait la morale aux électeurs de Mme Le Pen”
Avez-vous déjà une idée du casting de votre équipe ?
Il devra incarner cette recomposition politique qui est en train de se produire, ce qui n’a pas été fait en . Le paradoxe, c’est qu’à cette époque, Jacques Chirac, arrivant au second tour beaucoup plus faible que je ne le suis, avec moins de % des suffrages exprimés, a bénéficié d’un front républicain très large. J’entends, aujourd’hui, les pudeurs de gazelle de ceux qui hésitent ou disent qu’ils n’iront pas voter pour moi alors qu’ils étaient allés,