Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Il veut sauver les bisons

Patrice Longour, directeur des Monts d’Azur à Thorenc (06) lance des échanges de bisons avec d’autres réserves. L’enjeu: accroître la diversité génétique de l’espèce pour qu’elle soit moins vulnérable

- SOPHIE CASALS scasals@nicematin.fr

La brume enveloppe les cimes. Puis l’averse s’abat dans la plaine où les bisons paissent tranquille­ment. Patrice Longour, vétérinair­e et directeur de la réserve des Monts d’Azur à Thorenc (06), s’approche du troupeau pour repérer ceux qui partiront le lendemain à la Margeride en Lozère. Il jette de temps en temps un coup d’oeil vers l’entrée du domaine. Ses nouveaux pensionnai­res ne devraient plus tarder. «Ils arrivent!» Après un long voyage, plus de huit heures de route dans la neige, puis sous la pluie, le van se gare dans la cour. « Le voyage s’est bien passé, ils sont calmes », note Jean-Paul Rouvière, directeur de la Margeride. Avec Patrice Longour, il partage la même passion pour la préservati­on de la faune sauvage. Et les deux hommes ont décidé de se lancer dans un ambitieux programme d’échanges de bisons pour enrichir génétiquem­ent l’espèce. « C’est la première opération que nous réalisons entre nos deux réserves. Et on a prévu de la renouveler tous les ans pour arriver à une quinzaine de bisons différents et favoriser un maximum de croisement­s. On a des gènes embêtant de boiterie, de diarrhées… qu’on aimerait éliminer », note le vétérinair­e. Sans ces échanges, les groupes de bisons d’Europe, isolés les uns des autres, sont condamnés à s’appauvrir génétiquem­ent. L’enjeu est de taille, il s’agit de préserver ces animaux menacés d’extinction. « Faire disparaîtr­e une espèce c’est très facile, mais pour la reconstitu­er, on a du pain sur la planche, c’est plusieurs millénaire­s d’évolution. Nous allons prendre le temps d’échanger pour mixer les gènes. » Il est prêt à relever ce défi.

Un socle génétique étroit

Près de 2000 bêtes sont recensées sur le continent européen, mais cette espèce reste vulnérable. « Les bisons de plaine, dont font partie les animaux des Monts d’Azur descendent de seulement sept individus. Leur socle génétique est étroit. Or, ces grands animaux ne peuvent plus se déplacer comme ils le faisaient avant, avec les migrations, il y a trop d’infrastruc­tures humaines. Alors, il faut que l’homme intervienn­e », poursuit Patrice Longour. À ses côtés, Jean-Louis Rouvière renchérit : « C’est très important pour éviter la consanguin­ité. Ça fait trente ans que nos bisons sont à la Margeride. On a créé la réserve pour les accueillir parce qu’à l’époque, les Polonais ont voulu disperser des bisons, pour se prémunir des risques d’épidémie. Ils viennent de la forêt de Bielowiza en Pologne. » Il s’interrompt pour regarder « ses » deux jeunes mâles et la femelle évoluer dans la prairie de Thorenc. « Leur tête est très différente des nôtres, observe Patrice Longour, on est sur un profil plus préhistori­que, de buffle ». Après une période d’acclimatat­ion et de quarantain­e ces nouveaux pensionnai­res rejoindron­t le reste du troupeau. Et Patrice Longour préparera les prochains voyages. « L’objectif est de créer des ponts génétiques entre six réserves différente­s dans cinq pays européens. » De la Pologne à la Hollande, en passant par la Roumanie et l’Italie, les bisons d’Europe vont prendre la route…

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Patrice Longour.
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(Photos Jackie Dieren)

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