ET UN JOUR...
Le mai , la e édition du Festival de Cannes est interrompue par des cinéastes solidaires de la rue. Godard et Truffaut sont malmenés par le service d’ordre.
Le mai , alors que s’ouvre le
e Festival du film, à Cannes, des rumeurs circulent: «Il paraîtrait qu’il se passe des
“événements” dans la capitale ». En effet, en mai , la France a connu un vaste mouvement de contestation politique sociale et culturelle mené par les étudiants. Il va durer deux mois. Les projections débutent normalement et les festivaliers s’extasient devant le film d’ouverture Rouges et Blancs de Miklos Jancso – épisodes sanglants de la guerre civile qui fit rage, à la suite de la révolution bolchévique d’octobre . Mais, l’insurrection du monde du cinéma est en marche. Lequel se révolte contre la décision de Malraux, ministre de la Culture, de démettre Henri Langlois – futur oscarisé – de son poste de directeur de la Cinémathèque. La mobilisation des cinéastes en sa faveur aurait dû inquiéter les organisateurs du festival.
Bagarres dans la grande salle
À Cannes, c’est le mai que tout débute, lorsque l’Association française de la critique demande que le festival s’associe à la grève nationale prévue le mai. Pour s’en assurer des étudiants, conduits par Jean-Louis Bory, critique au Nouvel Observateur, investissent
le Palais. «Le pouvoir est à vous, affirme Bory. Et tant pis si on vous appelle les enragés de la Croisette, ou les révoltés du Carlton ! » Le réalisateur François Truffaut conseille à Robert Fabre Le Bret, patron du festival, d’arrêter la manifestation. Il refuse : « Les projections auront lieu, sauf cas de force
majeure. » Les rues, les hôtels, la Croisette deviennent alors des scènes de manifestations. Le mai, les réalisateurs Truffaut, Godard, Lelouch, Berri, Polanski, Malle et l’acteur Jean-Pierre Léaud, entre
autres, prennent la tête des débats qui agitent Cannes et appellent au sabordage du Festival. «Alors qu’il n’y a plus ni train, ni avion et que les usines sont en grève, il est franchement ridicule de continuer le festival»,
s’écrit Truffaut. Godard estime qu’une interruption marquerait la solidarité du cinéma avec les étudiants. Louis Malle, Roman Polanski et l’actrice italienne Monica Vitti démissionnent du jury. Les réalisateurs Alain Resnais, Carlos Saura, Miloš Forman retirent leurs films, respectivement Je t’aime,
je t’aime; Peppermint frappé et Au feu, les pompiers. Les débats s’enveniment entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre l’arrêt du festival. Le même jour, alors qu’une projection débute dans la grande salle destinée aux films en compétition, Saura et l’actrice américaine Géraldine Chaplin s’opposent à l’ouverture des rideaux en s’y agrippant de toutes leurs forces. D’autres s’interposent entre l’écran et le public. Une bagarre éclate avec le service d’ordre. Truffaut est ceinturé et jeté à terre ; Jean-Luc Godard est giflé par un spectateur mécontent parce qu’il hurle que «les films appartiennent à ceux qui les font, que l’on n’a pas le droit de les projeter contre la volonté de leurs auteurs ». La lumière se rallume dans un concert de huées et de sifflements. Robert Favre Le Bret annonce que les projections sont annulées et la grande salle est évacuée. Le mai, cinq jours avant son terme, le festival est interrompu. Aucune remise de Palme, car seuls films sur ont été projetés.