Crise ouverte entre agents immobiliers et notaires
Les professionnels de l’immobilier refusent de participer au projet de fichier de mandats exclusifs de la chambre des notaires du Var, qu’ils accusent de concurrence déloyale
Le torchon brûle entre les professionnels de l’immobilier et la chambre des notaires du Var. En cause ? La création d’un fichier commun d’exclusivité des mandats de notaires. Dans une lettre ouverte à leur président, Julien Savelli, président de la FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier) du Var, monte au créneau. « Votre projet, tel qu’il est, ne correspond pas à un axe de développement de nos entreprises ni même à la vision que nous nous faisons de notre métier. Nous avons pris la décision de ne pas y participer », écrit-il. Le « nous » représente l’ensemble de la profession, qui a été consultée. C’est-à-dire les réseaux tels qu’Orpi, Century 21, Foncia, Era et Amepi (qui regroupe les agences indépendantes). S’agissant de la FNAIM «ona fait le tour de nos adhérents – 356 agences dans le Var – aucun n’est favorable », précise Julien Savelli.
Conséquence de la loi Macron
La démarche des notaires serait, d’après le président de la FNAIM, « une conséquence des impacts négatifs de la loi Macron. Elle leur permet d’offrir de nouveaux services, notamment sur la transaction immobilière, pour compenser l’augmentation du nombre d’études notariales ». Les agents immobiliers ne veulent pas en faire les frais. « On a eu notre dose de textes aussi, comme la loi ALUR qui nous a porté préjudice et qui a compliqué nos activités », rappelle Julien Savelli. Déterminé, il précise que les agents immobiliers ont des compétences, et qu’ils sont « une profession réglementée, avec une carte professionnelle ». Une autre façon de dire que les notaires, qui ont un monopole sur la publication des actes, n’ont pas cette légitimité. D’où ses critiques à l’encontre d’une évolution d’une profession avec laquelle la sienne collabore au quotidien : « Comment un notaire peut-il être crédible ? interroge-t-il. Il ne peut pas prétendre être à la fois un officier ministériel et un commerçant. »
Les consommateurs seraient perdants
D’autant que les clients seraient perdants, estime le porte-parole des agents immobiliers, en expliquant : « Ce fichier, s’il devenait réalité, permettrait aux notaires de facturer des honoraires supplémentaires aux vendeurs ». Honoraires qui s’ajouteraient à ceux des agents immobiliers payés par l’acquéreur, payeur ultime des transactions. « Sans apporter de service en plus, ajoute-t-il. Si cela avait un quelconque intérêt pour les consommateurs, nous n’aurions pas cette position. Nous défendons les professionnels, mais jamais aux dépens des consommateurs » Et d’enfoncer le clou : « Avec ce fichier, les notaires veulent capter les mandats de ventes. Le risque est de nous retrouver en concurrence avec des notaires qui vont prendre des honoraires extrêmement bas. Ce fichier, les notaires ne vont pas le travailler. Ils vont continuer à s’appuyer sur les professionnels de l’immobilier, mais nous devrons faire une croix sur nos honoraires vendeurs. Il n’en est pas question. Pas question non plus d’alimenter un fichier qui permettra plus tard de développer des services de transaction en direct ». Julien Savelli conclut en ménageant l’avenir : « On veut continuer à travailler avec eux, mais chacun ses compétences ».
Marche arrière des notaires ?
Face à cette charge, le président de la chambre départementale des notaires du Var, joue l’apaisement. « Nous avons des réunions de travail avec la FNAIM depuis des années, et nous avions envisagé un partenariat avec l’ensemble des agents immobiliers pour la mise en place d’offres. Mais ce n’est qu’une réflexion, répond Me Rémi Claudot. Ce projet, s’il est mené à bien, ils ne souhaitent pas y participer. J’en prends acte. Ce point n’est pas à l’ordre du jour de notre assemblée générale qui a lieu vendredi, mais nous évoquerons le texte de la FNAIM. » Feront-ils marche arrière ? L’avenir le dira. Reste que le développement de la négociation immobilière par le notariat est une volonté nationale. Et que dans le département voisin des Alpes-Maritimes, les notaires ont déjà franchi le pas.