Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Prison à perpétuité pour Samir Dardouri

Au procès Heaulme, une plaidoirie poignante émeut les assises

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Un verdict quasi conforme aux réquisitio­ns de l’avocat général: hier, la cour d’assises des Bouches-du-Rhône a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité et 21 ans de sûreté Samir Dardouri pour le meurtre de Jérémie Labrousse. La veille, Olivier Civignou avait requis la perpétuité et 22 ans de sûreté pour ce « chasseur aguerri à l’extrême dangerosit­é ». «La vraie perpétuité réelle, c’est pour Jérémie », avait-il ajouté. Ce jeune de 21 ans, d’origine vosgienne, étudiait à l’école de commerce marseillai­se Kedge Business School et venait de s’installer à Nice et de débuter un stage à l’hôtel Fairmont MonteCarlo.

Versions contradict­oires

Décrit comme « brillant et sans histoires » par ses proches, il avait été sauvagemen­t agressé et égorgé vers 23 h 30 le 9 août 2013, à deux pas de la gare SaintCharl­es, à Marseille, où il se rendait pour aller chercher une amie. « J’arrive dans deux minutes », fut le dernier texto écrit par Jérémie Labrousse à cette amie. Quelques minutes plus tard, il était frappé à la gorge avec un tesson de bouteille. Il était mort deux jours après. Un duo de femmes a ému les assises hier, au procès de Francis Heaulme poursuivi pour le meurtre de deux enfants. Me Dominique BohPetit, qui défend une des mères, a déroulé une plaidoirie en hommage au combat de sa cliente pour que justice soit, enfin, faite. 2002, 2003, 2004, 2005… L’avocate égrène ces années au cours desquelles rien, ou presque ne se passe. Après l’acquitteme­nt de Patrick Dils, premier condamné pour les meurtres de Cyril et Alexandre, 8 ans, et avant la mise en examen de Francis Heaulme. Ces années, pendant lesquelles Chantal Beining, la maman de Cyril, s’est effondrée tant de fois dans son cabinet. Quand on lui disait que cette affaire était trop vieille, étouffée par «l’impression que personne ne voulait faire ne serait-ce que l’effort » de chercher la vérité. Ces années, pendant lesquelles on l’accusera de faire ça « pour l’argent ». Pendant lesquelles « cette petite dame qui ose dire “La justice, elle déraille”», perd tout. Après son enfant, « son mari, sa maison, sa vie ». Et ses autres enfants, «qui s’éloignent». Chantal Beining «tient bon, seule contre sans histoires », L’enquête minutieuse avait conduit à Samir Dardouri, un Marocain de 32 ans qui avait déjà eu, sous plusieurs identités, maille à partir avec les justices belge, allemande et italienne et qui était incarcéré depuis la fin août en Belgique pour tentative de vol avec violences et arme : un tesson de bouteille. Le meurtrier, qui avait multiplié les versions tous». «Je peux pas faire autrement», dit-elle à son avocate.

L’esquisse d’une émotion

Lundi, Me Boh-Petit, plus habituée à s’asseoir près du box des accusés que des parties civiles, est parvenue à faire sortir Francis Heaulme de son impassible silence. Pendant quelques minutes fugaces. Lui qui répète comme un disque rayé, depuis le 25 avril, «Montigny, c’est pas moi» .Qui reconnaît, parfois, être allé sur le talus où Cyril et Alexandre ont été retrouvés, le crâne enfoncé à coups de pierres. Mais qui assure, derrière des faits lors de l’enquête, a d’abord nié au tout début de son procès avant d’avouer, quelques minutes plus tard : « C’est moi qui l’ai assassiné. » Aux policiers, il avait expliqué avoir voulu voler la montre de Jérémie, une Swatch valant quelques dizaines d’euros.

« On ne sait pas exactement qui il est »

L’air toujours absent et quasiment muet tout au long du procès, Dardouri n’est pas considéré comme fou par les experts psychiatre­s. «C’est un sur-simulateur, il a des troubles mais en rajoute », a conclu l’un d’eux. Durant l’enquête et son procès, l’accusé, connu sous 140 alias, a continué d’entretenir le flou sur son âge, sa nationalit­é, ses noms et prénoms. « Dardouri n’est que l’une des identités qu’il a utilisée, mais on ne sait pas exactement qui il est », a déclaré son avocat Me Jérôme Pouillaude, admettant la très grande difficulté à défendre son client. «Nous savons tous qu’il est bien l’auteur de ce geste. » En portant le coup de tesson à la gorge de Jérémie Labrousse, Dardouri «n’a laissé aucune chance à la victime », avaient conclu les experts. la vitre de son box, ne pas les avoir tués. Lundi, grâce à Me Boh-Petit, l’accusé et la maman se font face quelques minutes. «Mme Beining veut juste savoir si Cyril est mort en premier…» tente l’avocate. Francis Heaulme la dévisage, esquisse une émotion, puis se ferme : «Montigny, c’est pas moi. » «Francis Heaulme voulait aider Mme Beining. Son regard, sa voix, son comporteme­nt, sa posture… tout était là comme si physiqueme­nt, de son regard, il voulait l’aider », a dit Me Boh-Petit aux jurés, accrochés à chacun de ses mots. «Cet homme, s’il n’avait été que le témoin, il aurait donné ces informatio­ns à Mme Beining, pour essayer de l’aider. Francis Heaulme n’a rien dit. Je pense que c’est parce qu’il n’est pas que le témoin.»

« C’est incroyable ce que vous faites »

Évoquant la culpabilit­é, au coeur d’une plaidoirie qui a depuis longtemps emporté la salle, l’avocate «analyse» l’attitude de Francis Heaulme lundi « comme un aveu implicite». Mais elle ne s’écarte jamais bien loin de sa cliente. Un silence et elle reprend. « Cette femme, si elle ne meurt pas, c’est parce qu’elle a ce combat, qu’elle porte haut et fort. » S’adressant à sa cliente, dont les larmes ne cessent de couler, l’avocate conclut : « C’est incroyable ce que vous faites depuis le début de ce procès, de nous faire rire, de vous faire jolie, d’aller chez le coiffeur, de venir dans cette salle d’audience belle, et la tête haute. » Aux jurés : « Voilà, c’est pour Mme Beining. Et Mme Beining, j’espère que je ne vous ai pas déçue. » Les yeux humides elle aussi, Me Boh-Petit retourne s’asseoir près de sa cliente. Et l’enlace.

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étudiait à Marseille et venait de s’installer à Nice quand il a été sauvagemen­t tué. Me Dominique Boh-Petit défend Chantal Beining, mère du petit Cyril,  ans, tué à coups de pierres.
(Photo PQR/La Provence) (Photo AFP) Jérémie Labrousse,  ans, un étudiant décrit comme « brillant et étudiait à Marseille et venait de s’installer à Nice quand il a été sauvagemen­t tué. Me Dominique Boh-Petit défend Chantal Beining, mère du petit Cyril,  ans, tué à coups de pierres.

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