Var-Matin (La Seyne / Sanary)

«Ilsontfait­plusfort!»

Sabri Lamouchi fait partie de la dernière équipe monégasque (1999-2000) à avoir décroché un titre de champion de France. 17 ans après, il pose un regard admiratif sur la bande à Jardim

- PHILIPPE CAMPS

Sabri Lamouchi est entraîneur. Ça ne surprend personne. Sur le terrain, déjà, il faisait bien jouer son équipe. Sa mission terminée au Qatar, il est sur le point de rentrer en France. A la recherche d’un challenge, donc d’un club. En attendant, pour nous, il explore le passé et raconte l’histoire du dernier titre de l’ASM. Il y a  ans.

Sabri, Monaco champion (ou presque...)  ans après. Ça vous fait quoi ?

Plaisir ! En , jamais je n’aurais pensé que Monaco attende si longtemps pour revivre un tel bonheur.  ans, c’est une éternité en football. Mais il s’est passé tellement de choses. Le club a joué une finale de Ligue des champions, il est descendu, remonté, il a changé de main. Aujourd’hui, Monaco est un beau champion. Finir devant le PSG est une vraie performanc­e. Presque un exploit tant Paris a grandi et grossi.

Alors pourquoi le PSG est-il derrière l’ASM ?

Parce que le PSG a pensé à gagner la Ligue des champions avant de penser à gagner le championna­t. Et surtout parce que Monaco a fait très très fort.

Plus fort que vous en  ?

Oh oui ! Monaco en , c’était le PSG aujourd’hui. On était programmé pour être champion. Regardez l’effectif : Barthez, Sagnol, Marquez, Gallardo, Giuly, Simone, Trezeguet... C’était du lourd ! Qui aurait misé sur les Monégasque­s de Jardim en début de saison ? Ils sont champions de France et ils ont joué une demi-finale de C. C’est un bilan bien supérieur au nôtre. Ils ont fait plus fort que nous.

Comment aviez-vous vécu ce titre à l’époque ?

Aujourd’hui, je peux vous le dire : nous étions frustrés de n’avoir gagné que le championna­t. Nous avions été sortis très vite de la Coupe de la Ligue (par Strasbourg) et de la Coupe UEFA (par Majorque). Mais nous visions le doublé D - Coupe de France. Tout le monde voulait aller au Stade de France. Hélas, quatre jours avant la demifinale contre Nantes au Louis-II, survient l’incident Gallardo à Marseille en championna­t. Le tunnel du Vélodrome, l’agression, Marcelo qui revient au vestiaire marqué, tremblotan­t. Cette affaire a brisé notre fin de saison. Au lieu de finir en apothéose, ça a fini en eau de boudin. Les conséquenc­es ont été terribles et nous avons été éliminés par Nantes. Ça reste un regret. Même si peu après, nous avions décroché le titre au Louis-II à trois journées de la fin.

La fête avait été belle ?

Etre sacré à domicile offre toujours de belles émotions. J’espère que l’ASM le sera officielle­ment face à Saint-Etienne. Je me souviens que nous avions fait un défilé en ville qui n’avait pas attiré grand monde... Ça manquait de ferveur. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’ambiance au stade et dans la ville est plus chaude.

Revenons au Monaco nouveau, qu’est-ce qui vous a impression­né ?

Que le danger puisse venir de partout. On a parfois vu un centre de Mendy repris par Sidibé. Ou inversemen­t. Monaco a très souvent été brillant. Étincelant. Et efficace. Dire qu’on disait, il y a quelques mois, que Monaco était ennuyeux.

C’était peut-être vrai...

Jardim a toujours fait avec ce qu’il avait. En tout cas, là, il a répondu à tous ses détracteur­s...

Quel regard portez-vous sur son travail ?

Voir jouer son équipe me donne du plaisir, des émotions. Jardim a mis son jeu en place, ses idées en pratique. Il y a un projet derrière tout ça. Il a pris des risques. Replacé Fabinho au milieu, poussé, un temps, Moutinho sur le banc. A l’arrivée, tout lui donne raison. Le club a bien fait de ne pas le condamner après la défaite à Lyon (-) la saison dernière.

Si vous ne deviez citer qu’un joueur ?

Je vais vous surprendre : j’ai envie de dire Raggi. Il est exemplaire. Toujours là. On lui demande de jouer à droite, il joue à droite. A gauche, il joue à gauche. Dans l’axe, il joue dans l’axe. Il n’est pas le plus doué, mais sûrement le plus valeureux. Il a connu la Ligue , la montée, la Ligue des champions, maintenant le sacre. Avec lui, on peut aller à la bataille. Des Raggi, il en faut pour aller loin et haut.

Pensiez-vous que Falcao allait revenir à ce niveau ?

Falcao est un grand profession­nel. Il devait renaître. Il l’a fait. L’ASM l’a mis aussi dans les meilleures dispositio­ns. Et je pense là à tout ce que lui a apporté un joueur comme Germain qui est un coéquipier modèle et un attaquant fin et intelligen­t.

Un mot sur Mbappé ?

Une révélation. C’est le phénomène du football français. Son potentiel est énorme. Comme sa marge de progressio­n. Mais une question importante va bientôt se poser. Doit-il rester ? Partir ? En tant qu’ancien Monégasque et défenseur du foot français, je lui conseiller­ais de rester à l’ASM. J’ai joué à l’étranger. On ne nous déroule pas le tapis rouge. Il faut s’imposer. Mbappé a les qualités pour le faire. Mais pour lui qui est jeune, comme pour tous les footeux, le plus important, c’est de jouer.

Vous évoluiez au milieu, votre jugement sur celui de l’ASM ?

Fabinho-Bakayoko dans l’axe, c’est intéressan­t, solide, efficace. Mais je suis encore plus séduit par les côtés. Mendy-Lemar et Sidibé-Silva, c’est quelque chose !

Le match qui vous reste en mémoire ?

Le match aller à Manchester City, malgré la défaite. Voir Monaco jouer, attaquer, marquer, mener et continuer à aller de l’avant m’a ébloui. Mon

oeil de spectateur brille encore devant un tel spectacle. On sentait que les Monégasque­s aussi se régalaient. Ce soir-là, ils ressemblai­ent à une bande de potes s’éclatant en jouant au ballon. Sauf que c’était un e de finale de Ligue des champions. Inoubliabl­e ! Surtout quand on connaît l’issue de cette double confrontat­ion.

Qu’est-ce qui leur a manqué face à la Juventus ?

De l’expérience. Les défenseurs turinois jouent ensemble depuis des années. La Juve, c’est le très, très haut niveau. Mais Monaco est sorti par la grande porte.

Comment gérer une telle saison avec un titre à la clé ?

Je pense que le plus dur commence. Les joueurs vont être approchés, sollicités. Le club va être attaqué sur plusieurs des siens. Peut-être faudra-t-il vendre et acheter pour amener un peu de fraîcheur et de nouveauté. Mais les dirigeants de l’ASM savent ce qu’ils ont à faire. Ils ont sûrement déjà tout anticipé. Leur politique est claire, cohérente. Cette saison, question gestion et management, ils ont tout bien fait. Monaco est un très beau champion. C’est mérité. Je dis bravo.

Les champions de  seront à Monaco pour fêter ça ?

Je n’ai pas reçu d’invitation. Je serais venu avec grand plaisir. Ce sont un peu nos héritiers...

On était frustré de n’avoir gagné que le championna­t ’’

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(Photo NM) Les champions de l’an  : Lamouchi, Giuly, Simone, Riise, Prso, Trezeguet. La belle équipe ! Sabri Lamouchi
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