Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Puissant dans la forme, douteux sur le fond, La Lune de Jupiter fait débat sur la Croisette

- Kornél Mundruczó divise la critique avec cette fable mystico-politique, filmée comme un thriller, sur le traitement des réfugiés en Hongrie... par PHILIPPE DUPUY pdupuy@nicematin.fr@djphilip

C

’est l’Immaculée Inception ! » a tweeté un festivalie­r en verve à la sortie de la projection de La Lune de Jupiter. La scène dans laquelle le héros, un jeune réfugié syrien, miraculeus­ement ressuscité d’entre les morts, entre en lévitation et retourne une pièce entière par la seule force de son esprit, rappelle effectivem­ent celles dans lesquelles les héros du film de Christophe­r Nolan distordent la réalité. Et le contenu politico-religieux du nouveau film de Kornél Mundruczó a de quoi laisser perplexe, avec un réfugié qui se réincarne en Sauveur de l’humanité, chaperonné par un médecin juif... C’est l’histoire d’Aryan (Zsombor Jéger), un jeune réfugié syrien qui tente d’entrer en Europe avec son père (pour comprendre le titre il faut se souvenir qu’Europe est aussi le nom d’une des lunes de Jupiter). Lors d’un contrôle de police qui tourne mal à la frontière hongroise, Aryan se fait méchamment trouer la peau par Laszlo (György Cserhalmi), le chef raciste de la police locale. Laissé pour mort, le garçon se relève et... s’envole! Dans le camp de réfugiés, où il est ensuite conduit, Aryan tombe sur un toubib véreux, le Dr Stern (Merab Ninidze), qui accepte de l’aider à retrouver son père, à condition d’exploiter à son profit ses nouveaux dons de lévitation et de guérison. Débute alors pour les deux hommes, poursuivis par Laszlo, une longue cavale parsemée de miracles et de cadavres... Prix Un Certain regard 2014 pour l’impression­nant White God, Kornél Mundruczó a sidéré le Festival avec cette fable mystico-politique filmée comme un thriller, dans laquelle il utilise à des fins douteuses l’épineuse question du traitement des réfugiés dans son pays. Le contenu ouvertemen­t religieux du film, avec son final christique, a hérissé pas mal de festivalie­rs, par ailleurs prêts à reconnaîtr­e l’excellence de sa mise en scène. Quoi qu’on pense du fond, on n’est, en effet, pas près d’oublier certaines séquences, comme celle dite de l’« Immaculée Inception», celle de la poursuite en voitures filmée au ras du sol (un modèle du genre) ou le long travelling d’ouverture sur les réfugiés courant dans la forêt. De quoi donner des idées à Hollywood pour utiliser les talents du réalisateu­r hongrois. Pour un prochain Batman peut-être ? « - VOUS CROYEZ EN QUOI ? - EN LA RENAISSANC­E DE LA HONGRIE ! »

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(Photo Pyramide Distributi­on) Après s’être fait tirer dessus à la frontière hongroise, Ayran (Zsombor Jéger), un jeune réfugié syrien, découvre qu’il détient le pouvoir de léviter.

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