Signé Roselyne
Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité
LUNDI
Hier, l’investiture d’Emmanuel Macron était plutôt réussie. Il n’y eut point de fausse note du moins de son fait. Deux bémols néanmoins. La première cuillère de bois est à attribuer à Anne Hidalgo qui aurait pu se dispenser de la tonalité acrimonieuse de son allocution lors de la réception à l’Hôtel de Ville. Son opposition au président est recevable mais il est d’autres occasions pour l’exprimer. La seconde cuillère de bois est attribuée aux commentaires hagiographiques de l’émission de France Télévision. Les propos dégoulinants, à la limite de la servilité, auraient mérité plus de retenue. On se serait cru au bon vieux temps de l’ORTF…
MERCREDI
C’est fait, le nouveau et attendu premier ministre Edouard Philippe est nommé, les ministres sont un peu plus nombreux qu’annoncé, le gouvernement est paritaire, plutôt au centre droit, ouvert à la société civile, mélangeant les vieux briscards et les têtes nouvelles, récompensant les militants de la première heure et les ralliés de fraîche date et laissant sur le carreau des centaines de déçus. Nous verrons bien comment cet attelage bringuebalant tiendra sur le chemin rocailleux du pouvoir. Mais en cet instant, mes pensées émues vont aux journalistes des chaînes d’info en continu qui ont fait le pied de grue pendant trois jours devant l’Elysée et Matignon, commentant chaque entrée et sortie de camionnette, imputant le moindre retard à de ténébreux complots, se perdant en supputations hasardeuses et en élucubrations plus ou moins inspirées. Il n’y a pas à dire : commenter le vide, c’est un métier, coco…
JEUDI
Les politologues font mine de s’inquiéter avec une commisération gourmande de l’aspect novice de certains nouveaux ministres venus de la « société civile ». Comme nous aimerions que les ministres dits « politiques » aient la même expérience ! Qu’on en juge : Agnès Buzyn, ministre de la Santé, médecin hématologue, a présidé l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’Institut du Cancer et la Haute Autorité de Santé, Elisabeth Borne, chargée des Transports, polytechnicienne passée par l’Ecole des Ponts et Chaussées, préfète de région, directrice de cabinet au ministère de l’Ecologie, présidente de la RATP, Muriel Pénicaud, titulaire du portefeuille du Travail, est passée par des postes de directrice des ressources humaines chez Dassault Systèmes puis Danone.
J’arrête là cette radiographie des curriculum vitae de nos ministres bizuths mais ils sont tous aussi impressionnants. Toutefois, pour certains, ce haut niveau de compétences serait terriblement suspect et situerait ces éminentes personnalités dans la catégorie abhorrée des élites, donc des ploutocrates suceurs du sang du peuple. Tiens donc ! Vous n’aimez pas l’éducation ? Essayez-donc l’ignorance… Certes, la fonction de gouvernance n’est pas seulement technique mais aussi politique et j’ai vu littéralement exploser en plein vol des personnalités valeureuses qui ont totalement perdu pied pendant la cauchemardesque séance des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. Claude Allègre s’est planté dès la première interpellation, Dominique de Villepin a été victime d’un trou de mémoire horrifiant, la cosmonaute Claudie Haigneré était blanche comme un linge sous l’effet du trac. Le ministre est sommé de répondre sans note en deux minutes aux questions les plus complexes et les députés – y compris de la majorité – se font un plaisir sadique de changer leur interpellation à la dernière minute pour vous déstabiliser. Les visages grimaçants, les injures et les propos sexistes, le vacarme des claquement de pupitres et des coups de règle du président vous sommant d’en finir laissent la malheureuse victime dans un état proche de la catatonie.
Nos petits nouveaux ont toutefois de la chance : députés ne se représentent pas et un certain nombre de sortants seront probablement « sortis ». C’est une assemblée nationale profondément renouvelée qui sera à pied d’oeuvre au mois de juin. Les moeurs politiques pourraient alors trouver le chemin du respect qui n’est en rien l’abandon de la pugnacité.
VENDREDI
Il faut reconnaître qu’avec ces cérémonies d’intronisation et annonces de nomination, nous avons cru que la France était le centre du monde. Pendant ces festivités, le dangereux olibrius qu’une minorité d’américains a choisi comme président des Etats-Unis continue ses sinistres clowneries. En limogeant le directeur du FBI, James Comey, après avoir tenté vainement de le circonvenir, Donald Trump s’en est fait un ennemi mortel et il ne va plus se gêner pour raconter sous serment les turpitudes présidentielles. Sally Yates, l’ex-ministre de la Justice, elle aussi virée par Trump, a révélé au Congrès qu’elle avait averti celui-ci solennellement des liens avec la Russie de Michaël Flynn, choisi comme conseiller spécial à sécurité nationale. Présentant des signes évidents de désordre mental, l’occupant du bureau ovale révèle au ministre russe des Affaires étrangères que l’agent infiltré à Mossoul au
sein de Daesh est Israélien, permettant ainsi sa localisation et mettant sa vie en péril. Entamant aujourd’hui sa première tournée international, il a l’occasion d’étoffer la liste des inconvenances! Choisir l’Arabie saoudite comme première destination indique clairement que les droits humains ne pèsent d’aucun poids devant la défense de ses intérêts privés liés aux princes saoudiens et les contingences de la realpolitik. Sans méconnaître les exigences de celle-ci, à tout le moins il eût été bienséant d’en faire un peu moins… On continue avec l’annonce de l’annulation de sa visite à la forteresse israélienne de Massada : Trump a refusé en effet de prendre le téléphérique alors que la dépose par hélicoptère aurait endommagé ce site classé UNESCO. Tiens, une idée : pourquoi ne pas saluer mercredi prochain le pape François par un Hi dude – salut mon pote – histoire de réchauffer l’atmosphère avec l’électorat catholique américain, sérieusement refroidi par ses propos anti-latino ? Emmanuel Macron aura déjeuné avec lui en marge du sommet de l’OTAN à Bruxelles jeudi, et il faut espérer qu’il ne sera pas traité avec les manières de malotru réservées à Angela Merkel lors de sa visite à Washington. Quant aux chefs d’état qui vont participer à la fin de la semaine au G à Taormina en Sicile, ils ont été avertis par les services de la Maison Blanche que les capacités d’attention de Trump étaient extrêmement limitées et priés de limiter leurs prises de parole à quatre minutes ! Hé oui, voilà où nous en sommes avec le chef de la première puissance mondiale. Misère de misère.
« Les politologues font mine de s’inquiéter avec une commisération gourmande de l’aspect novice de certains nouveaux ministres venus de la société civile. »