Var-Matin (La Seyne / Sanary)

PASSAGE À L’ACT UP

Le réalisateu­r de 120 battements par minutes a marqué les esprits festivalie­rs hier. Son film transpire la sincérité engagée d’un ancien militant d’Act Up, qui a su trouver le ton juste et le bon casting pour évoquer ces années.

- par ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

« ACT UP EST NÉ D’UN BESOIN INCANDESCE­NT, C’EST LE RASSEMBLEM­ENT DE GENS EN DANGER »

Entouré de ses comédiens, le réalisateu­r de 120 battements par minute est revenu sur ses années militantes

D u sang et des larmes. Du coeur et des corps. Des cris de révolte et des souffles d’agonie. Des mecs et des filles. Des malades et des victimes. Des beats et des b... Des paroles et Act Up. Il y a tout ça dans le film « témoin » de Robin Campillo. Mais aussi une franche camaraderi­e, une solidarité de survivants, et une sincérité d’ancien militant, qui éclabousse­nt l’écran. «J’ai été moi-même militant, et j’avais déjà pensé à faire un film sur le sida, mais je n’avais pas trouvé le bon angle, confie le réalisateu­r de 120 battements par minute. En réalité, j’avais peur de me frotter à ce sujet si important dans ma vie. Aujourd’hui, ce n’était pas une question d’actu, je me suis tout simplement dit qu’il était temps ». Sur la Croisette, ils sont tous là, ils sont venus. Certains sur l’estrade, en première ligne, comme des frères d’armes de Robin. D’autres sur des sièges plus bas, en soutien. Ses comédiens. Pas question de faire bande à part au Festival, lorsqu’on a vécu une telle aventure collective dans un film choral. « D’habitude, on s’emmerde avec un comédien, là, on s’amuse à plusieurs, s’amuse le chef de cette joyeuse colo. Sur le tournage, j’avais envie d’être envahi, plutôt que de tout contrôler. Mais j’ai beaucoup travaillé en amont sur le casting ». Avec un critère pour tous, et tous pour un:

l’authentici­té « Il fallait que mes comédiens aient naturellem­ent un langage militant, mais je ne voulais pas que ça ressemble à l’Assemblée nationale. Je voulais aussi un parler PD quoi ! ». Franc-parler et poing levé, pour incarner cet éveil des conscience­s face à la maladie. « À cette époque, la parole s’est enfin libérée, après dix ans d’épidémie passée sous silence. » Act Up, ou le passage à l’acte. Envers et contre beaucoup. « C’est toujours très difficile de créer un mouvement politique, on le voit en France actuelleme­nt, constate encore Robin Campillo. Act Up, c’était très minoritair­e, mais en même temps, il y avait toujours 100 à 150 personnes aux réunions hebdomadai­res, parce que ces genslà n’avaient pas le choix, c’était leur combat. » Une course contre la montre. Un pari contre la mort. La lutte finale avec une certaine ferveur, même si la communauté gay est triste. «Oui, il y avait quand même de la jubilation, quelque chose même d’assez joyeux à Act Up, parce que ces militants prenaient le pouvoir pour ne plus subir la maladie, mais en être les acteurs ». Et quels acteurs ! À l’image de ceux qu’on a vus à l’écran. Et puis la fièvre des soirées dance, en transe, et les pulsions (de vie ou de mort) qui s’accouplent au rythme de la musique techno. 120 battements par minutes. Du coeur, et des corps...

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Robin Campillo (au centre), ici en compagnie d’Antoine Reinartz, Arnaud Valois, Nahuel Perez Biscayart et Adèle Haenel, a fait corps avec ses acteurs hier.

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