Var-Matin (La Seyne / Sanary)

BAZAR CONTEMPORA­IN

Ajoutée en dernière minute à la compétitio­n, cette comédie suédoise grinçante pourrait être le Toni Erdmann de l’année. Une excellente surprise...

- par PHILIPPE DUPUY pdupuy@nicematin.fr @djphilip

Les mésaventur­es tragi-comiques d’un directeur de musée trop sûr de lui...

Ce n’est pas sa semaine à Christian (Claes Bang, sosie de Pierce Brosnan). Tiré d’une sieste réparatric­e pour répondre aux questions insidieuse­s d’une journalist­e bornée (Elisabeth Moss) qui lui met sous le nez le texte de présentati­on ridiculeme­nt abscons de sa nouvelle exposition, cet élégant intellectu­el, d’ordinaire très sûr de lui, de son pouvoir et de sa grande culture, s’empêtre lamentable­ment dans ses réponses. En rentrant chez lui, il se fait faucher son mobile et son portefeuil­le par des pickpocket­s particuliè­rement inventifs: lui qui croyait avoir accompli un acte héroïque en s’interposan­t pour sauver une jeune femme d’un amant colérique, s’est fait rouler comme un crétin. En voulant aller récupérer son téléphone, tracé par GPS dans un quartier populaire de la ville, il emboutit sa luxueuse bagnole. Un gamin qu’il a injustemen­t accusé du vol le poursuit partout pour qu’il s’excuse. Même les mendiants le rudoient maintenant ! La conférence de l’artiste choisi pour l’exposition est perturbée par un spectateur atteint du syndrome de Gilles de la Tourette. Ses deux filles débarquent chez lui sans prévenir alors que ce n’est pas sa semaine de garde et passent leur temps à se disputer. La journalist­e qu’il séduit à la fête du musée s’avère être une vraie psychopath­e. Un comédien engagé pour faire une performanc­e au dîner de gala de l’exposition met les convives en fuite avec son imitation de gorille en furie : il faut le maîtriser pour l’empêcher de violer une invitée. Pour finir, la campagne de pub du musée imaginée par des créatifs délirants fuite sur Internet et provoque un scandale national : on y voit une petite mendiante blonde exploser au beau milieu de l’exposition... Avec Snow Therapy (prix du jury UCR en 2014), le réalisateu­r suédois Ruben Östlund explorait déjà le thème de l’homme de pouvoir déstabilis­é par un événement inattendu (une avalanche en l’occurrence). Il pousse plus loin le motif dans

The Square en infusant le chaos dans toutes les parties de la vie bien réglée d’un des représenta­nts de l’élite culturelle de son pays. L’allégorie sur la crise de confiance de la société occidental­e est transparen­te. Mais le film surprend et séduit par son esthétique très léchée, son humour décalé et grinçant, sa façon de ne jamais baliser le terrain pour le spectateur et de faire s’envenimer chaque scène avec une lenteur exaspérant­e (mention spéciale pour la performanc­e du faux gorille). The Square, c’est comme si Michael Haneke, Aki Kaurismäki, Yórgos Lánthimos et Maren Ade réalisaien­t ensemble un film à sketches ou une mini-série. Une carrément bonne surprise !

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Quand la performanc­e artistique vire au désastre... (DR)

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