PETIT PAYSAN
La mort vache
Quelle vacherie la vie, parfois. Surtout lorsqu’une mystérieuse maladie franchit les frontières belges pour contaminer une ferme française, et pourrir l’existence d’un jeune éleveur et de son troupeau. Celui-là (formidable Swann Arlaud) a repris seul l’exploitation parentale avec un tel investissement, qu’il en rêve la nuit, de ses bovidés. Avant d’aller s’en occuper à son réveil dès potronminet ! La traite l’a consacré meilleur producteur laitier du coin. Le jeune homme n’hésite pas à se salir les mains pour aider l’une de ses protégées à mettre bas un veau, qu’il élève comme un animal domestique jusque sur son canapé. On l’aura compris, ses sacrées vaches occupent toute sa sainte journée, que même les miches de la boulangère qui le courtise n’arrivent pas à distraire. Ce paysan-là fait preuve d’un tel abattage à la ferme que lorsque c’est son troupeau entier qui est menacé, le voilà qui entre dans la plus complète illégalité, en dépit du «principe de précaution » préconisé par sa soeur (Sara Giraudeau) vétérinaire. Ça aurait pu faire un énième documentaire sur la condition paysanne. Hubert Charuel a choisi d’en faire un étrange thriller bovin. Dans Petit Paysan, les cadavres ne portent pas de costard mais des taches blanches et noires. Et le combat pour la survie de l’exploitation de ce cow-boy hors-la-loi tient en haleine, tout en mêlant humeur sombre et humour léger. Car audelà d’un scénario bien écrit, c’est tout l’amour du réalisateur pour cet univers rural en voie d’extinction qui transparaît. Et pour cause. « Je suis moi-même fils de paysans, et j’étais voué à reprendre la ferme de mes parents, explique Hubert Charuel, tout étonné de se retrouver sur la Croisette avec une telle profession de foi. Je n’aurais jamais rêvé d’être là, à Cannes, avec ce film que j’ai tourné dans la ferme familiale, qui est aujourd’hui fermée. Pour moi, c’était un moyen de laisser une trace de tout ça ». Comme on marque une vache, le film a également marqué nos esprits festivaliers...