Le cinéaste autrichien vise une 3e Palme avec un concentré de son oeuvre au noir
Happy, les heureux festivaliers qui ont débuté la semaine avec l’histoire d’une famille bourgeoise au bord du suicide. Du Michael Haneke pur jus...
S achant qu’il faut prendre les titres de films de Michael Haneke avec des pincettes (souvenons-nous de Funny Games ou d’Amour…), on pouvait s’attendre au pire avec
Happy End et son affiche grand bleu. Remercions donc tout de suite le cinéaste autrichien méchant de n’avoir pas cédé à sa pente naturelle. Pour une fois le titre n’est pas totalement mensonger : Happy End finit bien. Ou presque. En tout cas, le dernier regard caméra d’Isabelle Huppert nous a bien fait rire. Pour le reste, on est plus circonspect… Huppert joue Anne Laurent, l’héritière d’une entreprise familiale de BTP nordiste. Elle est en train de négocier la revente d’une partie du capital à une société anglaise. Son fils Pierre (Franz Rogowski), qui la dirige, est un faible, écrasé par le poids de son héritage et les tensions familiales. Mieux vaut vendre et le remplacer avant qu’il ne coule la boîte. Manque de bol, à la veille de la signature, un éboulement (attention, symbole!) emporte une partie d’un chantier du centre-ville et tue un des ouvriers. Sur ces entrefaites, Thomas (Mathieu Kassovitz), le frère divorcé d’Anne, doit récupérer sa fille d’un premier mariage, la petite Ève (Fantine Harduin, sosie de Vanessa Paradis à son âge). Digne héritière de cette famille qu’on commence déjà à adorer, la gamine de 13 ans vient d’empoisonner sa mère dépressive avec ses tranquillisants, ce que tout le monde a pris pour un suicide (le premier d’une longue série). En arrivant dans la grande demeure familiale où tout ce joli petit monde cohabite sous le regard peu amène du patriarche (Jean-Louis Trintignant, ressuscité d’Amour), la petite n’a rien de plus pressé que de demander à son père si, cette fois, il l’emmènera quand il quittera sa nouvelle femme. Car, en plus d’être empoisonneuse et vidéaste amatrice, Ève est aussi un peu hackeuse et elle a lu la correspondance pornographique que Thomas entretient avec une violoncelliste adepte de Sacher-Masoch. À ce stade, les fans du maître Autrichien auront compris qu’Happy End est une sorte de condensé de son oeuvre au noir, un best of (voire un mashup puisqu’il se pique de modernisme). Un peu de Caché , un peu d’ Amour , un peu de
La Pianiste et pour finir (tata-tan !) Funny Games, avec une scène de repas familial pourri par le fils raté, avec la complicité de migrants (on avait oublié de préciser que le film se passe à Calais). Tout cela dans une forme parfaitement maîtrisée (en même temps, le plan fixe ce n’est pas ce qu’il y a de plus compliqué à faire), avec des acteurs dirigés à la trique, pour dire que le monde occidental court à sa perte et mérite de crever. Du concentré d’Haneke donc, avec une pointe d’humour noir (et d’autosatisfaction). Troisième Palme très plausible.