Beauté romaine
Mélange des cultes. L’édifice religieux roman propose une superbe exposition sur les divinités du temps où le Var faisait partie de l’empire romain.
Des dieux et des hommes. L’intitulé de l’exposition qui occupe le réfectoire et le dortoir de l’abbaye de La Celle fait immanquablement penser au film de Xavier Beauvois, retraçant l’assassinat des moines de Tibhirine en 1996. Mais la comparaison s’arrête là. Car ce bond de 2000 ans dans l’histoire montre à quel point l’Antiquité romaine, longtemps polythéiste, pouvait se montrer plus tolérante que notre société moderne…
Grandeur et décadence
Ici, nulle question en effet d’exécution sommaire au nom d’un dieu quelconque. Mais au contraire, le témoignage de la coexistence pacifique – parfois sous un même toit – de différentes divinités. Seule sculpture à porter les stigmates de violences délibérées : la tête de l’empereur Commode, probablement traînée du forum jusque dans un quartier d’habitation dans le Fréjus antique. « C’était un homme mégalo, dément et cruel. À sa mort, les citoyens n’ont pas mis longtemps à faire disparaître toute trace de ce culte impérial en détruisant les statues à son effigie », explique Yvon Lemoine, spécialiste des sculptures romaines antiques et, à ce titre, commissaire de l’exposition. Pour le reste, même si le temps a fait son oeuvre, tout n’est que douceur et harmonie. Ainsi, les dieux du Panthéon romain semblent avoir toujours occupé ce haut lieu de l’art roman religieux. Il est vrai que l’abbaye de La Celle est construite sur les vestiges d’un domaine viticole romain. Parmi la cinquantaine de pièces, toutes découvertes dans le Var et pour la plupart présentées au public pour la première fois, la tête de la déesse Minerve, même privée de son casque, comme « scalpée », s’impose par sa beauté. La blancheur immaculée et le grain si particulier du marbre de Paros n’y sont sans doute pas étrangers.
Influences extérieures
Le moulage de la tête de Jupiter, l’Hermès bicéphale de Bacchus et de Pan séduisent par la finesse de leurs traits. Plus rare, le buste de Triton rappelle l’importance du port de Forum Julii (Fréjus) au Ier siècle après Jésus-Christ. Ces sculptures imposantes sont systématiquement associées à des pièces plus modestes. Une mise en scène voulue par Yvon Lemoine. «L’exposition se découvre en deux temps: les grosses pièces pour les visiteurs papillons, les plus petites pour les captifs ». Une réussite. Tout comme la place accordée aux cultes orientaux. En imposant sa Pax Romana de l’Espagne au Golfe Persique, l’empire s’est inexorablement ouvert aux influences extérieures. Même religieuses. Des influences parvenues jusque dans le Var. Le buste décapité d’Artémis d’Éphèse, découvert par miracle dans les remparts du XVIIIe siècle à Toulon, en témoigne. Tout comme le Cautes, l’un des deux porteurs de torche que l’on retrouve systématiquement aux côtés de Mithra, une divinité iranienne à l’origine. Découverte à Ollières en 1978, cette sculpture n’a formellement été identifiée comme Cautes qu’il y a un an par… le commissaire de l’exposition. ◗ Exposition gratuite ouverte jusqu’au 17 septembre du mardi au dimanche inclus de 10h30 à 12h30 et de 13h30 à 17 h 30. Visites commentées possibles. Rens. 04.98.05.05.05.