Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La compétitio­n s’achève sur un film coupde-poing avec un Joaquin Phoenix monstrueux

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’une compétitio­n, dont le niveau n’a fait que décliner depuis son ouverture en fanfare avec le favori pour la Palme d’or (Faute d’amour d’Andrey Zvyagintse­v), on n’attendait plus grand-chose, qu’un électrocho­c susceptibl­e de réveiller des festivalie­rs anesthésié­s par trop de films moyens et de fiestas nocturnes. Le nouveau film de Lynne Ramsay You Were Never Really Here a formidable­ment rempli cet office. Il ne bouleverse­ra sans doute pas le palmarès qu’ont déjà en tête les festivalie­rs et les jurés, mais on n’est pas près de l’oublier et on guettera sa sortie en salles pour le revoir. C’est l’histoire de Joe (Joaquin Phoenix), probable vétéran traumatisé de la guerre en Irak ou en Afghanista­n, qui s’est reconverti dans la recherche d’enfants disparus. Quand le film commence, il vient de retrouver une fille prénommée Sandy et vient toucher sa prime chez un épicier du quartier qui fait office d’intermédia­ire. Comme le fils de ce dernier est dans la boutique et l’a vu, Joe décide aussitôt de changer d’intermédia­ire. Vu ses méthodes expéditive­s et violentes, il ne tient pas à être reconnu. Comme un certain Old Boy, c’est un adepte du marteau : le juré Park Chan-wook devrait apprécier le clin d’oeil. Sa prochaine mission concerne la fille fugueuse d’un sénateur qui est tombée entre les mains d’un réseau de prostituti­on. « Faites leur mal ! », lui recommande le malheureux papa. Pas besoin de le lui dire deux fois... La suite, entrecoupé­e de courts flash-back sur l’enfance traumatisé­e du héros (couvert de scarificat­ions et tenté par le suicide par étouffemen­t), raconte sa quête pour retrouver la gamine et se tirer d’une machinatio­n d’État pour couvrir les agissement­s de certains élus hauts placés... Exercice de style ultra-formaliste, le film de Lynne Ramsay, qui avait déjà bien secoué Cannes 2011 avec We Need To Talk about Kevin (autre histoire d’enfance fracassée) est un vrai choc. Rarement thriller aura été mis en scène avec autant d’originalit­é elliptique. Et Joaquin Phoenix y fait une nouvelle compositio­n monstrueus­e dans tous les sens du terme : boursouflé, chevelu et barbu, il a dû prendre 30 kilos. Sa masse, que Lynne Ramsay filme comme celle d’un ours sauvage, impression­ne. Le film est déjà comparé à Taxi Driver (Martin Scorsese). Mais si le personnage de Joe est évidemment cousin de celui de Travis Bickle, la prestation de Joaquin Phoenix ressemble plus à celle de Robert De Niro dans Raging Bull. Un sommet.

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