Var-Matin (La Seyne / Sanary)

En présence de la romancière Delphine de Vigan, dont le livre D’après une histoire vraie a inspiré le film, Roman Polanski s’est prêté au jeu des questions sur cinéma et littératur­e. Un nouveau chapitre à Cannes pour le réalisateu­r qui a reçu la Palme d’o

- par ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

D u ghetto de Cracovie dont il s’est échappé sous l’Allemagne nazie au tapis rouge cannois où il a remporté la Palme d’or, en passant par son Bal des vampires à Londres, la tragédie Sharon Tate et les accusation­s portées contre lui aux États-Unis, sa vie est aussi un roman. Mais c’est en adaptant souvent le livre des autres, que Roman Polanski, 83 ans, a écrit sa propre carrière cinématogr­aphique. Le voilà de retour sur la Croisette avec

D’après une histoire vrai de Delphine Vigan scénarisé avec brio par Olivier Assayas. Un film, un bouquin, ou l’art de ne pas tirer... couverture à soi. « Ce qui compte le plus pour moi, c’est de ne pas s’éloigner de l’oeuvre originale, car lorsque j’étais plus jeune, j’étais souvent déçu par des adaptation­s au cinéma, professe le Little Big Man du septième art. Là, Olivier a réussi à réduire un ouvrage de 500 pages pour en tirer un scénario qui ne perd rien du livre ».

Pourquoi celui-là ? « J’aimais bien l’idée de faire un film avec deux femmes qui s’affrontent pour personnage­s principaux, un thriller qui me permet de renouer avec le cinéma de mes débuts comme Répulsion ou Le Locataire ».

On pense forcément aussi à The Ghost Writer avec le personnage d’Elle (Eva Green, pour son premier rôle dans sa langue natale !), qui interprète un « nègre » de littératur­e. À moins d’un réel fantôme ?...

« Là aussi, le livre Ghost writer m’avait beaucoup intrigué. C’est une profession intéressan­te, car c’est vraiment un savoir-faire d’écrire l’histoire d’un autre, et il n’y en a pas beaucoup de très bons, estime Roman Polanski. Et puis c’est quelqu’un qui n’essaie pas de se mettre en avant, et ne veut même pas que ça se sache ». Métaphore du métier de cinéaste ? « Ah, tiens, je n’y avais pas pensé avant. Mais maintenant, je vais y réfléchir...» Certes, mais à l’heure des nouvelles technologi­es et nouvelles formes de production sur plateforme­s Internet, est-il encore raisonnabl­e de deviser sur littératur­e et septième art ? Les gens ne lisent déjà plus autant de livres, iront-ils encore au cinéma ? « Le sujet dépasse sans doute ma capacité d’analyse, car on ne peut pas prévoir les évolutions à venir, souffle Roman, qui brandit son téléphone portable comme « gadget omnipotent » du futur, reléguant les autres au musée des archéologi­es.

Mais je pense quand même que les gens vont au cinéma, non pas parce que le son y est meilleur ou le fauteuil plus confortabl­e que chez soi, mais bien parce qu’ils participen­t d’une formidable expérience humaine. C’est comme un concert, que le walkman ou le MP3 n’ont pas fait disparaîtr­e, car les hommes ont aussi besoin de ce partage en commun. Et c’est quand même une expérience différente de voir Borat en s’ennuyant seul chez soi, que de rire avec toute une salle de cinéma! »

Tout l’amour du vieux maître pour son art est là. À Cannes. Oublié les polémiques éternelles. Polanski n’a pas eu à forcer ses comédienne­s à jouer D’après une histoire vraie. « Roman Polanski, c’est très difficile de dire non ! », confirme Eva Green. « Roman, c’est ma muse! », s’amuse Emmanuelle Seigner, dont c’est la sixième collaborat­ion avec son mari, qui précise néanmoins :

« C’est moins difficile de diriger sa femme que de vivre avec ». Mais là encore, pas question de tourner la page...

« CE N’EST PAS COMPLIQUÉ DE TOURNER AVEC MON ÉPOUSE. MAIS C’EST PLUS DIFFICILE QUAND ON RENTRE ! »

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Roman Polanski, de retour sur la Croisette, n’a rien perdu de sa force de persuasion et de son amour du cinéma.

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