Jean-Pierre Jabouille: «On a cloué le bec aux Anglais»
Après Barcelone et Magny-Cours, les précédentes étapes de la tournée anniversaire 2017, Jean-Pierre Jabouille et la Renault RS 01 ont encore remonté le temps ensemble vendredi sur le toboggan monégasque. L’occasion d’évoquer avec le premier pilote du Losange en F1 cette sacrée aventure…
Jean-Pierre Jabouille, reprendre le volant de la RS à Monaco, ça fait quoi ?
Elle et moi, nous avions déjà parcouru à nouveau un bout de chemin ensemble ici en démonstration, dans le cadre du Grand Prix Historique . Chaque fois, je prends beaucoup de plaisir au volant. Cette voiture a ans. Elle est difficile à conduire, surtout dans ces rues, mais je me régale quand même !
Quel souvenir gardez-vous de votre première séance d’essais avec la RS sur un circuit de Formule accompli au Castellet en mai ?
C’était juste deux mois avant le baptême du feu au Grand Prix de Grande-Bretagne et ça ne marchait pas du tout ! Notre moteur V avait un taux de compression très faible. Rien que pour le démarrer, c’était la croix et la bannière. Ensuite, il fallait composer avec le temps de réponse du turbo. Énorme ! En fait, je n’obtenais la pleine puissance qu’aux deux tiers de la ligne droite du Mistral, pas très loin du point de freinage. Partout ailleurs, on plafonnait à - chevaux au lieu de -. Un calvaire. Impossible d’imaginer alors que ça commencerait à fonctionner deux ans après…
Les abandons enchaînés lors des premiers Grands Prix ne vous ont pas découragé ?
Non. Il m’en faut beaucoup plus pour baisser les bras. Je savais que les ingénieurs bossaient d’arrache pied. Je leur faisais confiance. Le problème, au début, c’est qu’ils se focalisaient surtout sur la puissance pure au détriment du temps de réponse. Bon, je leur ai cassé les pieds et ils ont fini par comprendre que la souplesse d’utilisation constituait un paramètre essentiel. De quoi enclencher une vraie progression…
La première ligne d’arrivée coupée à Monaco en , ce fut une délivrance ?
Pas du tout ! Au contraire, ce jourlà, j’étais furieux. On m’avait demandé de finir la course absolument. Le turbo ayant rendu l’âme à cause de la forte chaleur ambiante, je l’ai terminée au ralenti, très loin des meilleurs. Jouer le rôle de la chicane mobile, avec le regard planté constamment dans les rétros, c’est dangereux. On a pris des risques inutiles pour un faux coup de pub…
À votre avis, pourquoi Renault n’est pas parvenu à décrocher un titre mondial au début des années ?
Des raisons, pour moi, il y a en deux. D’abord, Alain (Prost) ,qui m’a succédé en après mon grave accident (au Grand Prix du Canada , NDLR), s’est vu trop souvent ralenti par des problèmes de fiabilité. Un petit composant électrique régulièrement défaillant lui a coûté beaucoup de points, en particulier. Et puis, en , Renault aurait dû déposer une réclamation contre l’écurie Brabham-BMW qui utilisait de l’essence illégale. Ils ne l’ont pas fait et Piquet a coiffé une couronne que Prost méritait…
Quarante ans plus tard, que retenez-vous de cette aventure ?
Évidemment, le Grand Prix de France , cette première victoire à Dijon, garde une place à part dans ma mémoire. Deux ans plus tôt, nos débuts à Silverstone avaient provoqué des commentaires narquois. Je me rappelle entre autres de Ken Tyrrell. Derrière son muret, il se bidonnait en nous voyant passer. La RS était alors loin des monoplaces « made in UK », mais on a fini par clouer le bec aux Anglais…
Aujourd’hui, Renault est engagé dans un nouveau défi « turbo hybride » avec châssis et moteur. Aussi compliqué que le vôtre ?
L’avenir le dira. Pour l’instant, je trouve que la RS a plutôt bien débuté sa trajectoire. Il faut continuer à travailler sans relâche. Vous savez, quelle que soit l’époque, gagner en F, c’est jamais facile.