Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Abiteboul : «Se battre pour le titre d’ici »

- RECUEILLI PAR CH. D.

Voilà un garçon qui devrait faire de la politique. C’est ce qu’on lui a conseillé, d’un ton badin, au sortir de l’interview. Car lorsqu’on rencontre Cyril Abiteboul, mieux vaut avoir une pile neuve dans le dictaphone... Vous lui posez une question et le DG de Renault Sport Racing vous répond longuement, pratiqueme­nt pendant plusieurs minutes ! Cela dit, pas pour faire de la langue de bois et ouvrir le robinet d’eau tiède. Non. Cyril Abiteboul vous déroule un discours structuré, pertinent, lucide sur la F et son univers impitoyabl­e. On vous laisse en juger par vous-mêmes ci-après.

Cyril, ce GP de Monaco s’annonce compliqué ?

C’est vrai qu’on n’est pas à la hauteur de ce qu’on a fait dans les deux courses précédente­s. Mais là, c’est Monaco, très proche de la France, on fait beaucoup de relations publiques autour de nos  ans en F, on a envie de faire bien et ça s’avère compliqué…

Ici, c’est très spécial en terme de course ?

Oui, c’est un circuit qui offre des challenges spécifique­s, notamment sur les pneumatiqu­es et les suspension­s. Monaco, c’est pas du moteur, c’est pas de l’appui aéro, c’est du grip mécanique. Des zones où l’on sait qu’on est en difficulté… Et donc, les problèmes qu’on se traîne depuis le début de saison sont exacerbés ici.

Quand vous voyez les Red Bull deux secondes plus vite, vous vous dites quoi ?

(moteur Renault)

On se dit que le chemin sera long. Mais on n’est pas surpris. On les connaît très bien, on connaît leurs infrastruc­tures, leurs moyens… Mais je ne veux pas tout mettre sur les moyens, l’état d’esprit est important.

En F comme en football, le plus riche l’emporte ?

C’est difficile de faire aussi bien avec % de ressources en moins… Humaines et financière­s. Donc il faut qu’on se mette à niveau, c’est clair ! C’est pour ça qu’au bureau d’études, en ce moment, il y a plus de gens qui travaillen­t sur la voiture de l’an prochain que sur celleci. Pareil pour le moteur.

Quel intérêt pour Renault de faire de la F, si c’est pour y être peu en vue en termes de résultats ?

Aucun à moyen terme, je suis d’accord. L’ambition, ce n’est pas de faire de la figuration. Le seul intérêt c’est d’être là pour

prétendre à la victoire. Pour cela, ce n’est pas qu’une question de moyens. Il faut du temps. Honnêtemen­t, vous me donnez  millions aujourd’hui, je ne sais pas quoi en faire… J’ai pas les concepteur­s, j’ai pas les dessinateu­rs, j’ai pas la chaîne de production pour les utiliser.

Vous nous donnez rendezvous dans combien de temps pour un succès ?

L’objectif, c’est d’ici à  de se battre pour le championna­t du monde. La seule condition à laquelle ça fait sens d’être en Formule .

Au niveau moteur, vous vous situez comment ?

On a fait un énorme step (marche en avant, NDLR) l’an dernier. On avait une brique technologi­que qui nous manquait, on l’a introduite, tout le monde l’a vu. Aujourd’hui, à l’instant ‘‘T’’, la fédération a confirmé nos progrès : trois motoristes sur quatre sont dans , seconde d’écart. En gros on est à , seconde de Mercedes. Ça fait à peu près / kilowatts d’écart, soit une quarantain­e de chevaux. On a divisé par trois le déficit qu’on avait il y a un an et demi. Un pilote français, dans une voiture française avec un moteur français, ce n’est plus d’actualité ? On verra. La priorité, c’est qu’on veut des pilotes rapides. On jugera en fin de saison ce que Jolyon et Nico ont fait, mais c’est un peu tôt pour leur mettre la pression… Je ne veux pas non plus faire de la préférence nationale. On ne s’interdit rien. Mais n’oubliez pas qu’on fait de la F aussi pour augmenter la notoriété de la marque à l’internatio­nal.

Un mot sur Alain Prost, dont la fonction a évolué ?

Il a toujours été dans la famille Renault. Il en est toujours l’ambassadeu­r mais avec un rôle de conseiller spécial. Il apporte ses connaissan­ces mais surtout une sensibilit­é de compétiteu­r. Les teams F sont devenus de gros paquebots. C’est plus de mille personnes. C’est donc bien d’avoir quelqu’un qui nous rappelle l’urgence de résultat et cet instinct de compétiteu­r. Et Alain, il a vraiment ça ! C’était il y a cinquante ans. Victime d’un terrible accident à la chicane du Port lors du tour du Grand Prix de Monaco , Lorenzo Bandini succombait à ses blessures trois jours plus tard en Principaut­é. Afin d’honorer la mémoire du pilote Ferrari fauché dans l’exercice de sa passion, un trophée Lorenzo Bandini a vu le jour en . Chaque saison, cette distinctio­n récompense un pilote, une personnali­té ou une équipe s’étant particuliè­rement illustré. Après Mercedes AMG F () et Max Verstappen (), c’est la Scuderia Ferrari qui vient d’intégrer le palmarès lors d’une émouvante cérémonie organisée en préambule du Grand Prix dans le coin rouge du paddock. Vous connaissie­z l’inspecteur Derrick. Voici le commissair­e Warwick ! De retour dans le paddock ‘‘pieds dans l’eau’’ de la Principaut­é, Derek Warwick est ce week-end le représenta­nt des anciens pilotes désigné par la FIA pour siéger au sein de la direction de course. Si sa longue trajectoir­e en F ( départs au compteur !) est jalonnée de deux places dans le top  à Monaco en , en ), l’Anglais de  ans n’a pas conservé que des bons souvenirs de ses chevauchée­s vrombissan­tes ici. Le plus douloureux de ses six abandons (en huit participat­ions) se situe sans aucun doute en . Course terminée au premier virage après un accrochage avec un certain Patrick Tambay, son coéquipier chez Renault... Sacrée Sainte-Dévote !

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