Var-Matin (La Seyne / Sanary)

POLANSKI RETOUR ACADÉMIQUE

Schizophré­nie, dédoubleme­nt, manipulati­on... Le nouveau film de Roman Polanski, présenté hors compétitio­n, reprend à son compte les thèmes saillants de l’édition...

- par PHILIPPE DUPUY pdupuy@nicematin.fr @djphilip

Q uoiqu’on puisse penser de sa sélection cuvée 2017 (un petit cru), il faut reconnaîtr­e à Thierry Frémaux le sens du timing. Rajouté hors compétitio­n et présenté en dernier, le nouveau film de Roman Polanski est une sorte de résumé des thèmes saillants de cette 70e édition. Il y est question de manipulati­on, de dédoubleme­nt, de schizophré­nie, de traumas de l’enfance, d’affres de la création... Des thématique­s très «polanskien­nes», que l’on retrouve aussi, comme par hasard, dans nombre de films de la sélection. Le cinéaste franco-polonais adapte ici le roman à succès de Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie. L’histoire d’un écrivain à succès, Delphine Dayrieux (Emmanuelle Seigner), dont le dernier roman, Vienne la nuit, inspiré par sa mère, a cartonné. Déjà éreintée par les sollicitat­ions multiples et fragilisée par le souvenir, Delphine est bientôt tourmentée par des lettres anonymes l’accusant d’avoir livré sa famille en pâture au public. Tétanisée à l’idée de devoir se remettre à écrire, son chemin croise alors celui d’Elle (Eva Green). La jeune femme est séduisante, intelligen­te, intuitive. Elle comprend Delphine mieux que personne. Delphine s’attache à Elle, se confie, s’abandonne. Leur amitié prend bientôt une tournure étrange : alors que Delphine songe à écrire sur la vie d’Elle, celle-ci semble vouloir aussi lui voler sa vie... La trame du roman de Delphine de Vigan était, à l’évidence, idéale pour Polanski qui l’adapte très fidèlement. Optant à juste titre pour le second degré, puisqu’une majorité de spectateur­s connaîtron­t déjà l’intrigue, il en tire un petit thriller élégant et ironique, qui a fourni aux festivalie­rs une agréable récréation, au moment de faire leurs pronostics et leurs valises. Emmanuelle Seigner et Eva Green s’amusent beaucoup du jeu de miroir qu’il leur tend. La première surjouant le naturel, en jeans et pulls trop grands. La seconde affichant, dès la première scène, un sourire de psychopath­e qui ne quittera ses lèvres que lors de mémorables séquences de pétage de plombs (ne lui confiez jamais un rouleau à pâtisserie !). Certes, Polanski n’a pas eu à forcer beaucoup son talent pour boucler cet exercice de style qui restera mineur dans sa filmograph­ie. Il en profite quand même pour dire deux ou trois choses intéressan­tes sur la création et la célébrité. « Que tu le veuilles ou non, fait-il dire par exemple à Elle parlant à l’écrivain harcelée par ses fans, tu es responsabl­e de l’amour que tu as suscité». Se sent-il, a contrario, responsabl­e du déferlemen­t de propos haineux, que chacune de ses apparition­s publiques suscite désormais sur les réseaux sociaux ? On peut être certain, en tout cas, qu’il s’est posé la question.

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Supplément du dimanche 28 mai 2017 de Var-matin
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(Photo Mars Films) L’écrivain (Emmanuelle Seigner) et son double maléfique (Eva Green) : du pur roman... Polanski.

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