Signé Roselyne
« Les Français gardent leur confiance à leurs maires, qui sont pourtant les élus les plus impliqués dans les malversations. »
Lundi
Vladimir Poutine rêve d’être tsar. Il l’a été quelques heures, à l’invitation du président de la République, dans le cadre somptueux de Versailles où se tient au Grand Trianon, jusqu’au septembre, une exposition consacrée à Pierre le Grand. Poutine, à la mine renfrognée des mauvais jours, avait plus l’aspect d’un moujik mal dégrossi que du souverain incomparable de cruauté, de culture et de raffinement qu’était Piotr Alekseïevitch Romanov. Celuici avait constamment un carnet pour noter tout ce qu’il remarquait. Passionné par l’astronomie et la chirurgie, bibliophile, il aimait par dessus tout les arts et les artistes, et rencontrant, pendant le séjour parisien de , le tragédien Michel Baron, il lui offrit son épée en témoignage d’admiration. Dans sa vie amoureuse, Pierre le Grand préférait les hommes et il eut pour amant le suisse Pierre Lefort auquel succéda, après sa mort, Alexandre Menchikov. Poutine, qui aime tant les références impériales, ferait bien de s’en souvenir quand il nie les massacres des homosexuels en Tchétchénie ou qu’il traite en frère le biker ultranationaliste Alexandre Zaldostanov, qui choisit comme slogan « Mort aux pédés ». Décidément, il n’y a pas que par la taille que Vladimir Poutine diffère de Pierre le Grand.
Jeudi matin
François Bayrou, le « nouveau » (!) ministre de la Justice, présente les mesures destinées à restaurer la confiance entre les politiques et les citoyens. J’ai quelques doutes sur l’efficacité des dispositifs proposés tant notre société est décidée à mettre plus bas que terre tout ce qui peut représenter le pouvoir, l’intelligence ou la fortune. Le vertige de la lettre anonyme a envahi les réseaux sociaux, certains organes de presse se parent des palmes de l’investigation pour fouiller dans les poubelles, les citoyens exigent de leurs représentants une vertu dont ils s’exonèrent sans complexes. La chasse continuera de plus belle, une infraction automobile, une note un peu salée dans un restaurant, un problème familial, une expression malheureuse vous cloueront au pilori. Plus de inconscients se présentent aux élections législatives : les pauvres ne savent pas ce qui les attend s’ils ont le malheur d’être élus. Pour le reste, il est piquant de retrouver des mesures qu’avec Lionel Jospin, nous avions proposées dès à François Hollande dans le cadre de la commission pour la rénovation de la vie politique et dont il n’a rien fait pendant cinq ans. Mais vous me permettrez de faire à nouveau remarquer que les plus grands scandales de concussion de la
Ve république ont concerné des élus locaux, que ce soit à la mairie de Paris pour la droite ou, dans les communes tenues par les socialistes, par l’incroyable montage de corruption généralisée mené par la Sages ou Urba. Rien, absolument rien, n’est prévu dans le texte pour pallier le clientélisme et le copinage qui règnent dans maintes collectivités locales. Plus déroutant est qu’interrogés par les instituts d’opinion, les Français gardent leur confiance à leurs maires, qui sont pourtant les élus les plus impliqués dans les malversations, les passe-droits et les marchés douteux. C’est à vous décourager d’être honnête…
Jeudi soir
Dans la roseraie de la Maison-Blanche, Donald Trump annonce son retrait de l’Accord de Paris sur le climat. La tête et les épaules de travers, évitant de fixer un auditoire pourtant uniquement composé de comparses serviles, le président de la première puissance du monde semble groggy. «America first» ? Tu parles ! « America alone», plutôt, avec un leader moqué et discrédité. Quelques minutes plus tard, le contraste est saisissant avec Emmanuel Macron, et même les moins bienveillants à son endroit conviennent que son allocution en réponse a la solennité et la dignité nécessaires. Son interpellation «Makeour planet great again » – paraphrasant le slogan de campagne du Donald – est une sacrée trouvaille, enflamme illico la twittosphère et ouvre les journaux télévisés du monde entier.
OK, les amis, mais quand même, au-delà de la communication ratée ou réussie des protagonistes, si nous en revenions au coeur du sujet, c’est à dire au fameux Accord de Paris qu’on nous a vendu comme devant sauver la planète ? Signé en grande pompe le décembre , il n’a en fait qu’une simple valeur déclarative. Un marché mondial de tarification du carbone, seul outil véritablement efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, aété soigneusement omis des négociations. Aucune procédure de vérification des engagements des pays signataires n’a été prévue. Aucune incitation financière non plus. Aucune sanction n’est envisagée, messeigneurs, simplement l’ONU grondera les pays fautifs ! Quant aux milliards de dollars annuels promis aux pays en voie de développement par les pays dits « riches » dès , ceux-ci ont généreusement trouvé milliards l’année dernière. Il aurait suffi aux Américains de s’exonérer à bas bruit en jouant aux gentils garçons. Oui, mais Trump doit rouler des mécaniques, tel John Wayne rentrant dans un saloon, pour contenter un électorat à qui il a fait prendre des vessies pour des lanternes. Le retrait américain n’est donc rien d’autre que la gesticulation médiatique d’un histrion aux abois. Aux Européens de saisir la chance qu’il leur donne de prendre un leadership intellectuel, moral et économique. Sacré Donald, il est vraiment impayable…
Vendredi
Ouf, notre Thomas Pesquet est de retour et son atterrissage sur la steppe du Kazakhstan se déroule de manière impeccable. J’avais eu l’occasion d’interviewer ce garçon quelques mois avant son départ pour la station spatiale internationale : sa modestie et sa simplicité le font aimer de tous. On en vient à oublier son parcours mirobolant, ingénieur SupAero, pilote de ligne, parlant couramment l’anglais, le russe, l’espagnol et l’allemand, ceinture noire de judo, il a été choisi comme astronaute par l’Agence spatiale européenne en parmi plus de candidats. Six ans d’entraînement intensif lui ont permis de faire un parcours sans faute durant cette mission Proxima où il s’est déployé sur un travail scientifique de haut niveau mené pour le compte de l’Agence spatiale européenne et du Cnes, le Centre national d’études spatiales. C’est l’occasion de rendre hommage au général de Gaulle, une fois de plus visionnaire, qui décida en de créer le Cnes, faisant ainsi de la France la première nation spatiale européenne, ce qu’elle est toujours aujourd’hui. Vingt ans plus tard, le Cnes, établissement public de l’État, était l’initiateur de l’Agence spatiale européenne, la dotait de la fusée Ariane et en reste le principal contributeur financier. Thomas Pesquet, dans cette mission, n’est donc pas « l’invité » des Russes ou des Américains mais bien le représentant de la France, une nation qui décida quinze ans après une guerre épouvantable que là où il y avait une volonté politique, il y avait un chemin… dans les étoiles. A méditer.