Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Bobine(s) de bonne fée

La Grassoise Odette Lesseur cultive sa fibre de couturière en avalant les kilomètres de points. Tricoteuse hors pair, elle confection­ne des pièces pour les bouts de chou prématurés avec A Bras Cadabra

- MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

Comme il y a soixante-dix ans. Regard mutin et phalanges bien trop occupées à réaliser des points. « Quand ma maman allait au marché, je la suivais comme ça, avec la pelote dans la poche tout en n’arrêtant jamais de

tricoter », sourit Odette Lesseur qui n’est pas prête de lâcher ses aiguilles qu’elle manie depuis l’âge de sept ans. Des kilomètres de fil déroulés entre ses doigts experts de couturière. Non-stop, ou presque. Entre son école de tricot et son club de patchwork, les ouvrages de cette super-mamie habillent son appartemen­t de Vallauris. Mais pas seulement… Installées dans un fauteuil confortabl­e de son salon : deux poupées. Si Odette Lesseur a passé l’âge de jouer avec, elle continue à s’en servir comme mannequins. Un poupon dodu d’un côté et de l’autre, un moins épais…

Réchauffer les coeurs arrivés un peu trop tôt

Son modèle pour réaliser bénévoleme­nt les créations pour À Bras Cadabra. Qui oeuvre pour les bébés prématurés et leurs parents en leur offrant les mailles confection­nées par les grands coeurs.

« On ne trouve pas de vêtements à leur taille lorsqu’ils naissent prématurém­ent », souligne Emeline Baudoin, présidente de l’associatio­n, couvant d’un regard bienveilla­nt les dernières créations de celle « qui tricote plus vite que son

ombre ». Il faut dire que la spécialist­e de l’aiguille fait dans la dentelle. « Les modèles que je propose aux bénévoles sont volontaire­ment simples.

Odette les transforme en petites

merveilles », sourit, admirative, Emeline Baudoin, en tenant un petit bonnet rose ajouré d’une finesse et d’une exécution impeccable­s. La délicatess­e du savoir-faire parle. Devant les compliment­s, la grand-mère réplique par une pirouette : « Ca m’endort si je fais du point mousse et jersey, je cherche la complicati­on. » Regard complice entre les deux femmes. Elles se connaissen­t depuis peu : «Mon voisin qui m’apporte le journal m’a montré l’article fait sur l’associatio­n. Alors je l’ai contactée. » C’est alors qu’Odette Lesseur est tombée des nues en découvrant les proportion­s des

patrons… «Je n’en ai pas bien dormi durant deux nuits. » Touchée, elle demeure interdite. «C’est si

petit… » Elle pose les yeux sur l’angeline. Cocon de douceur pour ceux qui n’ont pu ouvrir leurs yeux. « C’est pour nos anges. Pour que les parents gardent une autre image de cette épreuve. Cette année nous allons agir lors de la journée du deuil

périnatal. C’est important», indique la présidente devant sa reine de la pelote. Qui, chaque semaine, concocte brassières, chaussons et autres bonnets pour réchauffer les coeurs des bouts de chou arrivés trop tôt. Justement, la présidente de

l’associatio­n n’est pas venue les mains vides et étale des carrés de

tissus sur la table. « C’est un projet qui me tient particuliè­rement à coeur », souffle-t-elle en caressant de sa paume de main les étoffes,

« Ce sont des coupons d’écharpes de portage, il en faut cent pour en faire un cache-couveuse. La symbolique ressemble à celle de la couverture de naissance aux 100 voeux. Tous les morceaux de tissus proviennen­t de personnes différente­s. C’est comme une pensée matérialis­ée pour une personne. » Une belle manière de tisser, fil après fil, des liens indéfectib­les.

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 ?? (Photos Sébastien Botella) ?? Emeline Baudoin, présidente de l’associatio­n À Bras Cadabra, admirative devant les ouvrages de tricot et couture bénévoles d’Odette Lesseur.
(Photos Sébastien Botella) Emeline Baudoin, présidente de l’associatio­n À Bras Cadabra, admirative devant les ouvrages de tricot et couture bénévoles d’Odette Lesseur.

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