Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Parole de forêt

Située sur les communes de Collobrièr­es et de Bormes, la réserve biologique intégrale des Maures livre son premier bilan après dix ans de protection.

- Dossier : Olivier BOUISSON obouisson@nicematin.fr

N’avoir que pour seul horizon un manteau compact de verdure, embrasser un panorama allant des Îles d’Or au golfe de Saint-Tropez, entendre les palpitatio­ns d’une faune tenue à l’écart des vicissitud­es du monde humain... Cette plongée dans le grand vert, c’est la réserve biologique intégrale des Maures (RBI) qui l’offre. Créée en 2007, celle qui est devenue la plus grande réserve biologique de Méditerran­ée est aussi l’une des trois plus spacieuses de France. Dans cet espace protégé, l’interventi­on de l’homme a donc été réduite à sa plus simple expression afin de favoriser la libre expression de la dynamique naturelle et spontanée de la forêt. « On laisse le milieu en évolution libre pour voir ce qu’il a à nous dire. On souhaite coller le plus possible à ce que doit être la forêt méditerran­éenne, alors on la laisse tranquille », résume Luc Blaison, l’agent référent de l’ONF qui arpente la réserve depuis sa création.

Diversité contrariée

Un vaste dessein quand on sait que nos très chers châtaignie­rs ont été greffés il y a 2 000 ans par les Romains et que la forêt méditerran­éenne primaire est difficilem­ent définissab­le par le corps scientifiq­ue. La réserve biologique intégrale des Maures résume bien cette diversité contrariée entre les fonds de vallons humides, les crêtes sèches, les pinèdes sous maquis et les chênaies-châtaigner­aies. Une mosaïque d’essences qui abritent tout le cortège de la forêt méditerran­éenne et une faune elle aussi très variée (lire page suivante). Cette richesse fait donc l’objet, depuis dix ans, d’un inventaire scientifiq­ue. Pour en comprendre les tenants et les aboutissan­ts, nous pénétrons dans la forêt, dans les pas du passionnan­t et intarissab­le Luc Blaison. En dessous de la Chartreuse de la Verne, sur le chemin des Moines, une superbe forêt de chênes matures de 28 mètres de haut et de plus de 400 ans plonge le promeneur dans une autre ambiance. « On ne trouve pas d’équivalent en Méditerran­ée », jubile l’agent de l’ONF. Cet habitat abrite 12 espèces de chiroptère­s, dont trois sont sur les listes rouges européenne­s. En remontant, le chemin est obstrué par la chute d’un châtaignie­r multicente­naire. « On a juste coupé une partie pour permettre aux randonneur­s de passer. Ce tronc abrite des insectes qui se nourrissen­t du bois mort et il enrichit en même temps les sols en nutriments. Du coup, la litière utilisée par les végétaux est plus riche. Moi, j’adore ! », sourit Luc Blaison. Plus loin, un mur de pierre sèche a été remonté à l’identique avec des matériaux nobles. Les transforma­tions anthropiqu­es du paysage, comme l’est un simple kern, sont pour leur part éliminées. Au pays du géant vert, l’homme se fait donc le plus discret possible. Autre exemple visible sur le feuillage des chênes verts. Il y a deux ans, certaines parties ont séché. La raison ? Un champignon qui a rapidement attaqué l’ensemble des arbres du massif. Fidèle à son précepte wait &see , l’ONF décide de ne rien faire. Et elle a bien fait. « Ona reçu une alerte sur sa présence et, en deux temps trois mouvements, toute la forêt était touchée, mais depuis un an, ça stagne. Les arbres, qui sont sains et dans leur propre dynamique, ont eux-mêmes jugulé l’attaque », explique l’agent référent de l’ONF.

Indésirabl­es invasifs

Mais il ne faut pas croire que les hommes en vert passent leurs journées à se tourner les pouces. Ils conservent des prérogativ­es importante­s pour que la forêt retrouve son aspect originel. Pour comprendre, direction la route de la crête de la Verne où se trouve une petite forêt sombre de sapins de Douglas bordée d’eucalyptus. Une anomalie héritée des années 60-70 quand les arbres coupés étaient remplacés par des essences exotiques. Au gré de la fantaisie des forestiers. « On ne perd jamais de vue notre mission de lutte contre les incendies. Comme ces deux essences sont excessivem­ent inflammabl­es et qu’en plus, elles n’ont rien à faire là, elles feront l’objet d’une coupe prochaine L’interventi­on des forestiers concerne également les espèces invasives comme le mimosa ou le plus atypique myriophyll­e du Brésil. Cette plante aquatique, qui est apparue dans le bassin d’un particulie­r, s’est développée ailleurs à vitesse grand V faisant l’objet d’une surveillan­ce accrue. Pour ce qui est de l’élagage, il ne concerne que la sécurisati­on des routes et des sentiers. Pas plus. Alors, grâce à toutes ces mesures, à quoi ressembler­aitelle cette forêt méditerran­éenne vierge de toute influence humaine ?« Je pense que, petit à petit, le pin maritime va laisser la place au chêne vert et à l’arbousier », prophétise notre forestier. Pour ce qui est de la faune, le but est d’éloigner les espèces indésirabl­es. Ainsi, des ruchers ont été déplacés audelà du pourtour de la RBI pour limiter la présence des abeilles domestique­s. Idem pour la très carnivore tortue de Floride dont plusieurs individus ont été retrouvés. « On a mis cinq ans à voir l’effet réserve mais là, c’est encouragea­nt », se réjouit son plus fidèle observateu­r. Une première goutte d’eau dans un océan d’intentions. », explique Luc Blaison.

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(Photo O. B.) Que sera la forêt méditerran­éenne dans quelques décennies ? Mystère...
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(Carte ONF) La réserve biologique intégrale se situe dans la forêt domaniale des Maures.
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(Photo P. Bl.) La réserve abrite des habitats variés.

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