Var-Matin (La Seyne / Sanary)

A Toulouse,

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C’est l’histoire d’un secret jalousemen­t gardé. L’histoire du plus gros avion de ligne au monde, qui a grandi loin des regards indiscrets avant de venir faire de l’ombre à l’historique Boeing 747. « Au début, c’était une aventure. Une nouveauté dans tous les domaines. Jamais on n’avait envisagé une telle taille jusqu’alors », se souvient Richard Carcaillet, directeur de la plateforme innovation de l’A380. Cette histoire, elle s’écrit désormais au grand jour, sous le soleil de plomb qui annonce l’arrivée de l’été à Toulouse. Bienvenue chez Airbus, à cinq minutes de voiture de l’aéroport de Blagnac. Un site XXL, à l’instar de l’A380. Dans la ville rose, Airbus occupe six sites, répartis sur plus de 700 hectares. 21000 salariés y travaillen­t, sur les 55 000 recensés par Airbus dans le monde. Ici, on conçoit, on assemble, on présente, on vend la flotte Airbus. En particulie­r son produit phare, porteur d’enjeux commerciau­x et stratégiqu­es majeurs. Avant de faire escale sur le tarmac niçois, ce gros oiseau a consenti à nous laisser approcher son nid toulousain. Nom de code : A3XX. Ainsi s’intitule le programme conduit dans les années 90 sous l’impulsion de Jürgen Thomas, « le père de l’A380 » .Les transactio­ns s’effectuent alors en francs, les Bleus ne sont pas encore champions du monde, mais la France et ses partenaire­s s’apprêtent à frapper un très grand coup dans le domaine aérien. En 1996, une poignée de représenta­nts de compagnies aériennes est conviée à une présentati­on top secrète, du côté de Carcassonn­e. En 1997-98, des phases de test tout aussi confidenti­elles sont menées à bord d’une maquette-cabine. Il faudra attendre le 27 avril 2005 pour voir un A380 prendre son envol. Et le 3 juin 2008, année de sa mise en service, pour un premier atterrissa­ge à l’aéroport de Nice.

Commandes en net recul

C’est donc ici, à une heure de vol de Nice, qu’est assemblé l’A380. 45 mètres de haut, 450 mètres de long, 250 de large, des fondations qui plongent 100 mètres sous terre : l’usine Jean-Luc-Lagardère est bien «le plus grand bâtiment industriel d’un seul tenant en Europe», assure Richard Carcaillet. Vision écrasante. Mais sensation paradoxale. Dedans, le visiteur se sent tel un Lilliputie­n au milieu des géants… Au risque de ne plus percevoir leurs dimensions. « Cette usine est tellement grande que l’avion ne le paraît pas tant que ça!», décrypte notre guide. Des A380, l’usine peut en enfanter jusqu’à quatre par mois. Maximum atteint : trente sur l’année. Le cru 2018 s’annonce bien moins fructueux : entre 12 et 15 commandes, selon Richard Carcaillet. Signe que le programme battrait de l’aile ? « Depuis 2014, les ventes se sont très fortement ralenties, observe le spécialist­e aéronautiq­ue Michel Polacco. Airbus a réduit les cadences de fabricatio­n pour tenir jusqu’en 2021, 2022. En attendant, ils proposent de réaménager l’avion pour augmenter la profitabil­ité. Ils ont pris un risque financier astronomiq­ue, et on ne saura pas avant 2025 si cela valait le coup. » Richard Carcaillet, pour sa part, affiche sa confiance et une visibilité à trois ans : « C’est une industrie cyclique. Et on ne veut pas construire de “queues blanches” ; c’est très mauvais

A l’échelle de l’usine, l’avion ne paraît pas si grand que ça ! ”

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