Incendie de Londres: le bilan s’alourdit, May en difficulté
Au moins 58 personnes sont désormais considérées comme décédées dans l’effroyable feu ayant frappé la Grenfell Tower. La Première ministre est vivement critiquée
Où le sinistre décompte s’arrêtera-t-il? Trois jours après le drame, la police britannique a revu hier nettement à la hausse le bilan, toujours provisoire, du gigantesque incendie de la tour Grenfell, à Londres. «Cinquante-huit personnes [...] sont portées disparues et donc je dois tristement présumer qu’elles sont mortes», a indiqué Stuart Cundy, un haut responsable de la police de la capitale britannique. « Ce nombre pourrait [...] augmenter», a-t-il ajouté, précisant que sur ce nouveau bilan, 30 décès étaient confirmés et que 16 corps découverts dans cet immeuble de logements sociaux avaient été transportés à la morgue.
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La charge implacable du «Guardian»
L’ampleur du bilan, qui s’alourdit de jour en jour, a choqué l’opinion publique et provoqué la colère des proches des victimes et des membres de leur communauté. Vendredi, des dizaines de manifestants avaient envahi la mairie de quartier de Kensington et Chelsea, où se trouve la tour, aux cris de «Honte à vous» et «Tueurs» (nos éditions d’hier); hier, c’est à Whitehall, non loin du 10, Downing Street, où se trouvent les bureaux de la Première ministre conservatrice Theresa May, qu’un nouveau mouvement de protestation a éclaté, avec des pancartes « Justice pour Grenfell » et «Les Tories [le parti conservateur au pouvoir, Ndlr] dehors». Car la première vague d’émotion passée, c’est bien sur le terrain politique que l’affaire s’est déplacée. En ligne de mire: la Première ministre, Theresa May. Après s’être rendue sur place jeudi sans rencontrer la population, celle-ci y est retournée le lendemain... sous les huées. Répétant, vendredi soir, qu’elle était « profondément affectée » par les récits «terrifiants» des survivants, elle a annoncé le déblocage en urgence de cinq millions de livres, ainsi qu’un relogement pour tous les sinistrés dans les trois semaines. Et hier, elle a reçu à Downing Street un groupe de résidents et de victimes. Des gestes insuffisants aux yeux d’une partie de la presse britannique : «Un leader qui a peur de rencontrer ses concitoyens est fini», a lancé le très respecté Guardian dans un éditorial implacable. Évoquant la tour et sa sinistre façade calcinée, le journal estime que cette «tombe dans le ciel sera à jamais le monument de Theresa May».»
« Sombre humeur nationale »
L’attitude, au moins dans un premier temps, de la Première ministre a d’autant plus choqué qu’elle offrait un contraste saisissant avec celle de la reine Elizabeth II. Cette dernière s’était rendue vendredi au chevet des victimes, et n’a pas hésité à rencontrer des membres de la communauté locale. Hier, à l’occasion des célébrations pour son 91e anniversaire, la très populaire souveraine a adressé à ses sujets un message d’une gravité inhabituelle. «Cette année, il est difficile de ne pas ressentir la très sombre humeur nationale », a-t-elle déclaré, en invitant les Britanniques à puiser dans
leurs ressources, dans leur histoire, pour répondre à la «succession de terribles tragédies» des derniers mois (trois attentats et cet incendie). «Quand il est mis à l’épreuve, le Royaume-Uni se montre déterminé face à l’adversité», a exhorté Elizabeth II. Le sinistre a suscité un vaste élan de solidarité : plus de 3 millions de livres ont été récoltées en faveur des victimes, et les dons de vêtements et de nourriture affluent. Hier, près de la tour, des membres de la communauté ont chanté des prières sur l’air d’Amazing Grace, devant des dizaine de bouquets de fleurs déposés en hommage aux victimes. «Cela n’aurait pas dû arriver», déplorait Inderjit Bhopal, un pasteur méthodiste. «Au XXIe siècle, on doit pouvoir offrir des logements sûrs.» 1. Selon le service de santé publique NHS, 19 personnes étaient toujours hospitalisées hier, dont 10 dans un état critique. Près de 600 personnes habitaient dans cet immeuble de 120 appartements.