Jean-Louis Masson : le colonel prend du galon «J
amais un gendarme n’a été élu député.» Depuis des semaines, et plus encore depuis dimanche soir, Jean-Louis Masson (63 ans) répète à l’envi cette rengaine comme pour conjurer le mauvais sort d’abord… Et désormais inscrire son nom dans l’histoire de la maréchaussée. Preuve – s’il était besoin d’aller en chercher – que 17 ans après avoir raccroché le képi, l’ancien colonel a les galons dans la peau. Toute sa « première carrière » ,cet enfant de La Garde l’a en effet passée dans les casernes. Né au pied du Rocher le 5 février 1954, il s’oriente vers l’école militaire après avoir fréquenté les bancs de l’école Michel-Zunino à La Garde, puis ceux des lycées Peiresc et Dumont-d’Urville à Toulon. Ses états de service signalent quatorze départements d’affectation dans la territoriale et la mobile, une multitude de brevets ou diplômes professionnels et un DESS en science politique délivré par l’Institut d’études politiques de Toulouse. Un parcours qui le conduit à prendre des responsabilités au sein de la zone de défense sud (treize départements du pourtour méditerranéen). Le 31 décembre 1999, chevalier de la Légion d’honneur (depuis 1998) et de l’ordre national du Mérite (depuis 1992), il est promu colonel (ce qui lui vaut un premier portrait dans Var-matin). Il a alors 45 ans et de belles perspectives en chemise bleu-ciel.
Maire comme son père
Et pourtant, la vie de caserne s’arrête là. Jean-Louis Masson a consacré le vingtième siècle à bourlinguer, il décide de profiter de La Garde, « son village », durant le nouveau millénaire. Sa « deuxième car rière ». En mai 2000, à peine réimplanté, il annonce en effet sa candidature à la mairie de La Garde. Père de six enfants, il entend devenir maire… comme son père. Louis Masson, instituteur de profession, a en effet présidé aux destinées de la commune de 1959 à 1962. Des souvenirs d’enfants pour Jean-Louis Masson. Des souvenirs lointains pour la plupart des Gardéens, puisque depuis près de 40 ans, c’est Maurice Delplace et le Parti communiste qui gèrent la ville. Une ville qui a bien changé... Passage de témoin ou signe du changement d’époque, c’est alors qu’il mène campagne que son père s’éteint, en octobre 2000. « Les deux grandes valeurs que mon père m’a enseignées sont le respect de la démocratie et l’écoute des autres, expliquait en plein deuil Jean-Louis Masson. Il s’est toujours opposé à mon engagement politique, car il avait été déçu lui-même. Mais lorsque je lui ai fait part de ma volonté de m’engager, il m’a soutenu. Il savait que l’engagement qui était le sien se prolongeait à travers son fils. » Deux mois plus tard, alors que la campagne s’anime, c’est Maurice Delplace, le patron du PCF, qui s’éteint. Il ne partageait pas ses idées, mais nourrissait du respect et une affection profonde pour lui. « C’était un homme ouvert, salue alors Jean-Louis Masson. D’ailleurs, je l’ai consulté dernièrement avant de me présenter aux municipales… Il m’a dit vas-y ! »
Trouver autre chose que la couleur des chemises
Et il a bien fait de l’écouter et de se fier à la lecture des « alignements». Alors que le Rocher semblait une citadelle communiste imprenable depuis un demi-siècle, le novice en politique fait mouche du premier coup sous l’étiquette UDF. La Garde bascule en 2001 et n’a pas vacillé depuis, en le reconduisant en 2008 et 2014. Il fait pourtant des premiers pas d’élu tonitruant. Irritant les employés municipaux avec des caricatures ou poursuivant des collégiens en diffamation pour un canular, il ne passe pas inaperçu et s’affiche même volontiers haut en couleur, avec son verbe plein d’humour acide... ou avec la gamme chromatique audacieuse de ses chemises . « Parce que je suis un provocateur », concède l’intéressé, avouant avoir pris soin d’assagir sa penderie ces derniers mois pour se glisser dans les habits de député. « Je ne peux pas aller à l’Assemblée avec mes chemises à fleurs . On peut avoir un côté provocateur sur son territoire ou dans sa commune pour sortir du cadre - ce qui est marrant pour un militaire - , mais là, si on veut se démarquer, il va falloir trouver autre chose que la couleur de ses chemises. » Le palais Bourbon va-t-il offrir une troisième carrière à Jean-Louis Masson ? Il avoue ne pas encore pouvoir le dire. « Je ne mesure rien. Est ce que je vais vibrer quand je vais rentrer dans l’hémicycle? Je n’en sais rien.»