Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Les mythiques bouchons de la Nationale 

Le plus redouté, après celui de Pourcieux, se situait à Tourves, où le record d’embouteill­age a été atteint le lundi 2 août 1965 : 6 km de long et vingt-huit mille véhicules bloqués

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C’était le bon temps, le temps des années rock, du plein emploi, d’une chaîne de télévision unique et en noir et blanc. C’était le temps de Brigitte Bardot dans Et Dieu créa la

femme. Saint-Tropez devenait Saint-Trop. On s’élançait sur la route des vacances. L’essence coûtait moins d’un franc le litre (0,15€). Le long de la Nationale 7 se formaient des files interminab­les de voitures. C’était le temps où, arrivé dans le Sud, on s’embourbait dans les embouteill­ages des villages du Var ! Pour les vacanciers, partis de Paris dans leurs Quatre Chevaux, Aronde, Dauphine, Versaille, Vedette, petites Simca, ou leur 403 Peugeot, le voyage allait être long. Sur le toit de la voiture était arrimé un tas de bagages. Dans les autos, on reprenait en choeur le refrain de Charles Trenet : « On chante, on fête, on est heureux Nationale 7 ! » Sur le trajet, on s’arrêtait aux stations d’essence Azur ou Ozo : il fut un temps, on pompait le carburant avec de longs bras métallique­s pour le faire monter dans des réservoirs en verre, d’où un tuyau permettait de verser la quantité voulue dans le moteur. On avait déjà fait près de 800 kilomètres depuis Paris lorsqu’on arrivait dans le Var. Le Var, l’annonce de la fin prochaine du voyage ! Et c’est alors que les cauchemars commençaie­nt : les embouteill­ages dans les villages du Var. Personne ne les a oubliés.

 : les congés payés et le tourisme de masse

Celui de Pourcieux était le premier. Les villages du Var, construits en escargot autour de leurs châteaux, n’avaient pas été prévus pour absorber des flots de voitures des vacanciers. La faute à qui ? Aux congés payés bien sûr ! Ils avaient été acquis par le Front Populaire lors des Accords de Matignon des 7 et 8 juin 1936 : quarante heures de travail par semaine et deux semaines de congés payés par an. Qui deviendron­t trois semaines en 1956. Ces congés payés avaient fait naître le tourisme de masse et jeté sur les routes des cohortes d’estivants. Pourcieux qui était déjà, dans l’Antiquité, sur la voie Aurélienne - ancêtre de la Nationale 7 (lire encadré en page suivante) - est traversé par une rue étroite qui ne permet

pas à deux camions de se croiser. En cas d’accrochage, il y a plusieurs heures d’attente. Le bouchon peut atteindre quatre à cinq kilomètres. Il fait chaud. La seule climatisat­ion dans les voitures consiste à étendre des serviettes mouillées sur les vitres. Assis sur leur banc, les villageois s’amusent à observer la file immobile des voitures. « On cherchait à voir, dans les voitures, s’il y avait des vedettes qui allaient sur la Côte d’Azur !… Car, il y en avait beaucoup. Et, même dans leurs belles voitures, les ‘‘vedettes’’ étaient bloquées comme les autres dans

les embouteill­ages ! », écrit un journalist­e, citant un habitant. Le bouchon de Pourcieux dura jusqu’en 1966, année où fut inaugurée la route de contournem­ent. Ce ne fut pas sans mal. Les autorités eurent à affronter la résistance des cafetiers et bistrotier­s qui redoutaien­t que leur chiffre d’affaires s’effondre, mais aussi des vignerons qui ne voulaient pas céder leurs parcelles. C’est la voiture qui gagna. Après Pourcieux, une descente et une ligne droite permettent de reprendre de la vitesse. On arrive à Saint-Maximin, qu’on traverse au pas, en tournant dans une succession de petites rues. On admire au passage la silhouette de la basilique.

Les camions, cauchemar des Tourvains

Mais le pire est à venir : le bouchon « historique », dont la France entière entend parler par la radio, le bouchon dont on se souvient encore : le bouchon de Tourves. Dans la traversée du village, la Nationale 7 se réduit à moins de quatre mètres de large entre les maisons. En plus d’être étroite, la rue est en courbe. Les camions ne se voient pas arriver. Comme le raconte Thierry Dubois dans son livre, C’était la Nationale

7 :« Marcel, le garde champêtre, passait une grande partie de l’été sur la place, faisant de grands signes dès qu’il apercevait des camions de chaque côté pour essayer

d’en arrêter un ». L’ancien maire de Tourves, Paul Castellan, se souvient : « Les habitants qui devaient se rendre au travail prenaient des dispositio­ns. Certains avaient acheté des vélomoteur­s rien que pour l’été, afin de se faufiler entre les voitures… Le ronronneme­nt des automobile­s était incessant, même

la nuit ». Le record du bouchon de Tourves a été atteint le lundi 2 août 1965 avec une longueur de 6 kilomètres. Vingt-huit mille véhicules ont été bloqués. Une déviation fut finalement mise en place en 1968, traversant le parc de l’ancien château de Valbelle, qui au XVIIIe siècle, organisait là, avec sa maîtresse de la Comédie Française, des soirées libertines auxquelles participai­t la gentry parisienne, Mirabeau en tête. Il y a, aujourd’hui, des gens si nostalgiqu­es des bouchons de Pourcieux et de Tourves qu’ils ont formé une associatio­n, « Nationale 7 historique, Provence », présidée par Paul Castellan, pour reconstitu­er lesdits embouteill­ages ! Chacun des villages accueille la manifestat­ion une année sur deux : en 2016, c’était à Pourcieux. Le 15 août prochain, ce sera à Tourves (inscriptio­ns sur le site internet www.nationale7­historique­provence). Une fois sorti de Tourves, étaiton libéré ? Non. La traversée du Luc était difficile. A certains endroits, les croisement­s étaient si délicats qu’on instaura des sens alternés. Et cela jusqu’à la constructi­on de la déviation, en 1964, qui se fit au détriment de maisons du vieux quartier. La dernière difficulté du Var se situait au Muy. Deux virages serrés successifs au centre-ville étaient appelés par les habitués le « cisailleme­nt du Muy ». Parfois, la circulatio­n était si dense que, pendant des demi-heures entières, la traversée de la route était interdite. Il fallait rester d’un côté ou de l’autre du village ! Le Muy était coupé en deux par l’armée des vacanciers. Du temps des armées de François Ier ou Charles Quint, on n’avait jamais connu cela ! Une déviation fut ouverte en 1968.

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(Photo DR) (Infographi­e Rina Uzan) 6 Les embouteill­ages à Tourves bloquaient les voitures pendant des heures. 5 Mieux valait ne pas manquer la sation service à l’entrée du village. 3 Les accidents étaient inévitable­s comme ici à Pourcieux. (Collection Associatio­n, « Nationale  historique, Provence ») =sdfsdfsd
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La prochaine reconstitu­tion des bouchons se fera à Tourves, le  août.

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