NOS TRÉSORS
■Les habitants de Sigale, petit village de la vallée de l’Estéron, étaient bien en avance sur la modernité lorsqu’ils ont bâtieleur fontaine en . Mais au XIX siècle, ils ont préféré disposer d’une horloge plutôt que de l’eau courante.
La fontaine de Sigale raconte presque à elle seule l’histoire de ce village de moyenne montagne des Alpes-Maritimes, situé à 600 m d’altitude, dans la vallée de l’Estéron. Nathalie Héron, responsable de l’important fond d’archives de la mairie, est intarissable sur le sujet : « Datée de 1583, elle est l’une des rares du départe- ment à avoir été construite avant le XIXe siècle, époque d’une vaste campagne d’hygiène et de salubrité publique ». Au XVIe siècle, Sigale est riche et dynamique et a donc les moyens de s’offrir cette fontaine de prestige. Les siècles passent et les habitants prennent l’habitude de boire, laver leur linge et abreuver leurs animaux dans cet endroit névralgique situé sur la place. Ils vivent en autarcie, loin de Nice, située à 36 heures de charrette et où ils vendent leur huile d’olive. Si le village a possédé très tôt une fontaine, il est paradoxalement l’un des derniers de la région à obtenir le raccordement de ses maisons à l’eau potable.
L’eau arrive au robinet en
À la fin du XIXe siècle, les habitants ont pourtant l’opportunité de s’offrir cet équipement indispensable par le biais d’une participation financière de Raphaël Bischoffsheim, célèbre député des Alpes-Maritimes. Mais ils choisissent de s’offrir une élégante tour équipée d’une horloge ! Les paysans préfèrent connaître l’heure quand ils travaillent aux champs. Ce choix révèle l’importance de la vie agropastorale de cette contrée. Denise Blanc, 80 ans, originaire de Sigale, a quelques anecdotes : « Le berger Imbert gardait les chèvres des villageois qui, en échange, le nourrissaient. Il faisait sonner son lambi [gros coquillage] pour qu’elles le rejoignent à la fontaine ! Les parapets étaient plein de puces ! » À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’eau dans les maisons se fait regretter. Mme Pellat, l’ancienne maire du village âgée de 81 ans, garde en mémoire le grave épisode de sécheresse de cette période trouble : « Les pompiers nous montaient l’eau et les habitants faisaient la queue, même pendant la nuit, pour remplir leurs arrosoirs de 10 litres ! » Heureusement, l’adduction d’eau en 1956 permet aux Sigalois de ne plus souffrir de la soif. Les anciennes sources sont abandonnées et le nouveau captage se fait à Végay, de l’autre côté de l’Estéron, en versant nord du Cheiron, au-dessus de la plus haute cascade du département, haute de 140 mètres. ◗ Livre disponible auprès des éditions Arcades Ambo. Le Val de Sigale, par Michel Orcel, avec la collaboration de Marc Tanzi (2015, prix : 35, 5€).