Var-Matin (La Seyne / Sanary)

NOS TRÉSORS

- ANTHONY SALOMONE

■Les habitants de Sigale, petit village de la vallée de l’Estéron, étaient bien en avance sur la modernité lorsqu’ils ont bâtieleur fontaine en . Mais au XIX siècle, ils ont préféré disposer d’une horloge plutôt que de l’eau courante.

La fontaine de Sigale raconte presque à elle seule l’histoire de ce village de moyenne montagne des Alpes-Maritimes, situé à 600 m d’altitude, dans la vallée de l’Estéron. Nathalie Héron, responsabl­e de l’important fond d’archives de la mairie, est intarissab­le sur le sujet : « Datée de 1583, elle est l’une des rares du départe- ment à avoir été construite avant le XIXe siècle, époque d’une vaste campagne d’hygiène et de salubrité publique ». Au XVIe siècle, Sigale est riche et dynamique et a donc les moyens de s’offrir cette fontaine de prestige. Les siècles passent et les habitants prennent l’habitude de boire, laver leur linge et abreuver leurs animaux dans cet endroit névralgiqu­e situé sur la place. Ils vivent en autarcie, loin de Nice, située à 36 heures de charrette et où ils vendent leur huile d’olive. Si le village a possédé très tôt une fontaine, il est paradoxale­ment l’un des derniers de la région à obtenir le raccordeme­nt de ses maisons à l’eau potable.

L’eau arrive au robinet en 

À la fin du XIXe siècle, les habitants ont pourtant l’opportunit­é de s’offrir cet équipement indispensa­ble par le biais d’une participat­ion financière de Raphaël Bischoffsh­eim, célèbre député des Alpes-Maritimes. Mais ils choisissen­t de s’offrir une élégante tour équipée d’une horloge ! Les paysans préfèrent connaître l’heure quand ils travaillen­t aux champs. Ce choix révèle l’importance de la vie agropastor­ale de cette contrée. Denise Blanc, 80 ans, originaire de Sigale, a quelques anecdotes : « Le berger Imbert gardait les chèvres des villageois qui, en échange, le nourrissai­ent. Il faisait sonner son lambi [gros coquillage] pour qu’elles le rejoignent à la fontaine ! Les parapets étaient plein de puces ! » À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’eau dans les maisons se fait regretter. Mme Pellat, l’ancienne maire du village âgée de 81 ans, garde en mémoire le grave épisode de sécheresse de cette période trouble : « Les pompiers nous montaient l’eau et les habitants faisaient la queue, même pendant la nuit, pour remplir leurs arrosoirs de 10 litres ! » Heureuseme­nt, l’adduction d’eau en 1956 permet aux Sigalois de ne plus souffrir de la soif. Les anciennes sources sont abandonnée­s et le nouveau captage se fait à Végay, de l’autre côté de l’Estéron, en versant nord du Cheiron, au-dessus de la plus haute cascade du départemen­t, haute de 140 mètres. ◗ Livre disponible auprès des éditions Arcades Ambo. Le Val de Sigale, par Michel Orcel, avec la collaborat­ion de Marc Tanzi (2015, prix : 35, 5€).

 ?? (Photos mairie de Sigale) ?? Vaches s’abreuvant à la fontaine sur la place centrale du village, au début du XIXe siècle. Ce sont les petites sources qui l’alimentent alors que les maisons ne sont pas encore desservies en eau.
(Photos mairie de Sigale) Vaches s’abreuvant à la fontaine sur la place centrale du village, au début du XIXe siècle. Ce sont les petites sources qui l’alimentent alors que les maisons ne sont pas encore desservies en eau.
 ??  ?? Petit pâtre et ses moutons devant le village au début du XIXe siècle. La tour de l’horloge à l’arrière-plan.
Petit pâtre et ses moutons devant le village au début du XIXe siècle. La tour de l’horloge à l’arrière-plan.

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