Sur le trajet, on s’arrêtait aux stations d’essence Azur ou Ozo : on pompait le carburant avec de longs bras métalliques pour le faire monter dans des réservoirs en verre, d’où un tuyau permettait de verser la quantité voulue dans le moteur.
La difficulté du Muy franchie, on pouvait reprendre de la vitesse. Est-ce parce qu’on se sentait soudain libre qu’on devenait imprudent ? On froissa beaucoup de tôle et on se tua dans le « virage des Castagniers », de sinistre mémoire, à Roquebrune-sur-Argens. C’est non loin de là, dans la plaine de Fréjus, qu’aura lieu au matin du 5 juillet 1964, un accident dont on a beaucoup parlé et dont la cause n’a jamais été élucidée : une Volvo noir et blanc immatriculée en Suisse s’écrase contre un platane. Jean-Claude SaintAubin, 22 ans, et sa passagère, Dominique, 18 ans, meurent. Les parents de Jean-Claude, des bijoutiers de Dijon, enquêtent. L’« Affaire Saint-Aubin » durera trente ans et ne sera jamais élucidée. Certains ont même évoqué un mensonge d’État. Le jeune homme aurait été la cible, par erreur, des services secrets
français. Un témoin a vu un camion militaire, dissimulé en contrebas, démarrer brusquement pour barrer la route à sa Volvo. Il aurait été confondu avec un activiste de l’OAS qui devait rouler sur cette même route dans une voiture de même marque, de même couleur, elle aussi immatriculée en Suisse. On n’a jamais su, on ne saura jamais.
: le péage à francs
Après Fréjus, on s’élance dans l’Estérel. Cent quatre-vingt-trois virages attendent les vacanciers entre les chênes-liège pour arriver jusqu’à Cannes. En 1961, sera ouvert le premier tronçon de l’autoroute, de Puget-sur-Argens à Mandelieu. 2 francs (0,30€) : la première autoroute à péages de France ! Après Cannes, voici Antibes-Juan-lesPins. La RN7 longe la pinède, où sera créé en 1960 le Festival du Jazz. La Nationale 7 traverse ensuite Nice au long de la rue de France, puis s’engage sur la Grande Corniche qui s’élève jusqu’à la Turbie, au-dessus d’un des plus beaux panoramas maritimes du monde. On atteint là, à près de 700 mètres d’altitude, le second point culminant de la Nationale 7 – le premier se situant au col du Pin-Bouchain, entre les départements du Rhône et de la Loire. Enfin, l’arrivée sur Menton. On voit au loin le clocher de la basilique Saint-Michel, avec son campanile et son toit de tuiles vernissées. Les contreforts montagneux, làbas, appartiennent déjà à l’Italie. La Nationale 7 est arrivée à son terme. Neuf cent quatre-vingt-seize kilomètres ont été parcourus depuis Paris jusqu’à Menton. À 60 km/h de moyenne et avec les bouchons, certaines familles ont passé plus de 24 heures sur la route.