Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Le double défi

- Par MICHÈLE COTTA

C’est un risque calculé, mais un risque tout de même. Le discours que prononcera, cet après-midi, Emmanuel Macron dans l’hémicycle de Versailles – boudé par une petite minorité de députés – est, en fait, un double défi : défi institutio­nnel et défi politique. Défi institutio­nnel : pour la première fois sous la Ve République, un président de la République s’exprimera la veille du discours de politique générale de son Premier ministre. Rien d’anticonsti­tutionnel dans cette concomitan­ce, plaident les spécialist­es de droit constituti­onnel. Il ne faut pas y voir, ce que certains y voient tout de même, un affront fait à Edouard Philippe : les deux têtes de l’exécutif se sont évidemment accordées, sans qu’il y ait combat, sur ce calendrier. Emmanuel Macron reprochait à son prédécesse­ur, François Hollande, de ne pas avoir tout au long de son quinquenna­t, indiqué assez souvent, ni assez précisémen­t, aux Français dans quel sens il les amenait, et quelle vision de l’avenir, même immédiat, était la sienne. Le nouveau Président veut au contraire, d’entrée de jeu, imposer aux Français sa propre conception de la présidence, qu’il veut inscrite dans le droit fil des institutio­ns de la Ve République. Il a raréfié sa parole depuis son élection. Les députés ont été élus et, après quelques turbulence­s, opposition et majorité se sont installées sur leurs bancs et se sont réparti, avec quelques ratés, le travail dans les commission­s parlementa­ires. L’équipe gouverneme­ntale a tenu son premier séminaire ce dernier week-end. La machine est lancée, il est temps de dire où elle veut aller. Au Président, donc, de le faire. Et au Premier ministre de donner, le lendemain, leur feuille de route à ses ministres et à la majorité. C’est là qu’arrive le deuxième défi : le défi politique. Car on peut se demander, tout de même, si l’autorité d’Edouard Philippe, chef de la majorité, ne souffrira pas du discours présidenti­el qui précédera le sien de tout juste vingt-quatre heures. L’opposition scrutera le moindre petit écart entre les deux discours, et en fera une divergence fondamenta­le. Si, au contraire, Edouard Philippe emploie les mêmes termes, au mot près, que le Président, elle en conclura que le Premier ministre n’existe pas. Et de dénoncer l’hyper présidenti­alisation, la monarchie républicai­ne, le « pharaonism­e » même, dans lesquels Emmanuel Macron compte inscrire son action pendant le quinquenna­t. La majorité, elle, risque de ne voir, dans le discours de politique générale d’Edouard Philippe qu’une redite de l’allocution présidenti­elle. L’arme essentiell­e du Président, dans ce calendrier si tendu, tient à la faiblesse de son opposition. A gauche, tandis que Mélenchon, absent aujourd’hui à Versailles, menace déjà de faire de la rue l’arbitre des décisions présidenti­elles, Benoît Hamon atteint les sommets de l’inconséque­nce en démissionn­ant du PS qu’il avait mené, ou plutôt mal mené, à la présidenti­elle. A droite, la déchirure entre les Républicai­ns « orthodoxes » et les « constructi­fs » se réglera sans doute au couteau lors du bureau politique prévu pour le  juillet. Emmanuel Macron, hyper Président ou pas, en profite pour tailler sa route.

« L’opposition scrutera le moindre petit écart entre les discours de Macron et de Philippe. »

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