HEURES DU MANS « Un impact puissance »
S’il déplore la nouvelle désillusion endurée avec Toyota, Hugues de Chaunac, le président d’Oreca, savoure à fond la réussite « historique » du prototype 07 flambant neuf ‘‘made in Var’’
Le malheur des uns, le bonheur des autres... Encore une fois, une énième fois, Hugues de Chaunac est passé par toutes les émotions, le mois dernier lors d’un double tour d’horloge fidèle à la légende des Heures du Mans. Après avoir vu l’armada Toyota - dont Oreca est le partenaire en charge de l’exploitation piste - rater à nouveau le coche, le président de la « motorsport company » implantée à côté du circuit Paul-Ricard a vite retrouvé le sourire. Et pour cause : les châssis Oreca fabriqués à Signes ont dominé outrageusement la catégorie des petits prototypes (LM P) et réussi un fameux tir groupé aux avantpostes !). Le meilleur d’entre eux, celui du trio Jarvis-Laurent-Tung, s’est même permis de mener la danse en fin d’épreuve avant de voir la Porsche Hybrid victorieuse revenue de nulle part la coiffer in extremis...
Hugues, lorsque la Oreca numéro s’est retrouvée en tête de la course environ trois heures et demie avant l’arrivée, vous avez pensé à la victoire un peu, beaucoup ou pas du tout ?
Quand le speaker a fait l’annonce et que j’ai vu le classement sur les écrans de contrôle, il a d’abord fallu que j’en crois mes yeux et mes oreilles... Encore une fois, les Heures du Mans accouchaient d’un scénario totalement improbable. Certes, la Porsche n° remontait fort, mais celle-ci pouvait aussi rencontrer des problèmes en fin de course. Si tel avait été le cas, on finissait quand même
avec un triplé Oreca au général. Alors, pour répondre à votre question, oui, j’y ai cru. Un peu. Mais jusqu’au drapeau à damier, j’ai surtout savouré l’instant présent. Voir deux équipages pilotant une Oreca entourer les vainqueurs sur le podium, c’était déjà un dénouement fabuleux.
Compte tenu du nombre réduit de prototypes LM P hybrides en lice cette année (), peut-on vraiment dire qu’il s’agit d’un résultat inespéré ?
Moi, je n’avais pas envisagé un instant que les P ne seraient pas à la hauteur. Même si les conditions de Hugues de Chaunac : « Pour Oreca (ici la du trio Jarvis-Laurent-Tung, résultat est historique. »
course s’annonçaient difficiles, avec cette chaleur accablante, comment imaginer autant d’abandons et de défaillances dans les rangs des deux favoris avant la course ? Donc, si vous voulez, quelque part, c’est inespéré. Mais je préfère de loin employer un autre qualificatif plus approprié : pour Oreca, ce résultat est avant tout historique !
Quelles retombées mesurez-vous aujourd’hui ?
On en perçoit plusieurs, de différentes natures. En fait, c’est un impact puissance . D’abord, en interne, dans l’entreprise, chaque employé éprouve une fierté immense. Ensuite, il y a la reconnaissance du monde de l’automobile. Pas seulement du sport auto, car j’ai reçu un nombre faramineux de messages de félicitations provenant de grands patrons, de constructeurs. Ça donne conscience de la portée de cet exploit. Quant au troisième effet, bien sûr, il est commercial. Il agit de manière bénéfique sur le carnet de commandes.
Pas moins de Oreca ont déjà été produites à Signes ces derniers mois. Vous tablez sur combien de plus à court terme ?
Au départ, nous avions prévu d’en construire neuf ou dix maximum. L’objectif
initial est donc d’ores et déjà pulvérisé. Et pas question de baisser la cadence puisqu’il va falloir sans doute en livrer encore une petite dizaine d’ici fin ...
Pour gagner la catégorie LMP, on attendait plutôt les équipes SignatechAlpine, G-Drive Racing ou Rebellion. La domination de ce team chinois, est-ce une surprise pour vous ?
Non, parce que le Jackie Chan DC Racing est soutenu par Jota Sport, une structure anglaise très aguerrie qui a déjà gagné les Heures en P. Celle-ci roulait auparavant avec des châssis concurrents et elle nous donnait du fil à retordre. Désormais, nous triomphons ensemble.
Ces nouveaux protos LMP plus puissants de chevaux ontils réussi leur entrée en piste ?
Je le crois, oui. Certains pensaient que les gentlemen drivers peineraient à maîtriser ces voitures beaucoup plus rapides. Mais ce n’est pas le cas. Lors de mes échanges avec les uns et les autres, tous m’ont dit qu’ils ne rencontraient aucune
difficulté. Ils se régalent ! Ce nouveau règlement s’avère très positif aussi parce qu’il augmente l’écart de puissance avec les GT. De quoi limiter le risque à chaque dépassement.
Vos bureaux d’études planchent-ils déjà sur la Oreca ?
Le cahier des charges LMP étant figé pour quatre ans, jusqu’à fin , c’est trop tôt. L’objectif prioritaire d’Oreca, aujourd’hui, il se situe outre-Atlantique. On veut accroître notre présence aux États-Unis. D’une part dans la catégorie LMP du championnat américain où une seule roule pour l’instant. De l’autre en s’associant peutêtre prochainement avec un constructeur là-bas afin de lancer une auto destinée au seul marché US, éligible dans leur catégorie DPi (Daytona Prototype international, ndlr).
Question au partenaire de Toyota en Endurance : le coup de massue a-t-il été encore plus rude cette année ?
En , l’abandon dans le dernier tour, alors que la victoire nous tendait les bras, avait été ressenti comme une profonde injustice. Une déception colossale. Sans aucun doute, il y avait une part de malchance qu’on pouvait pointer du doigt. Là, c’est différent. Toyota doit savoir pourquoi, avec trois voitures au lieu de deux, toutes ses chances de succès se sont envolées dès le milieu de la nuit. Une analyse est en cours. Il faut qu’elle détecte ce qui cloche dans l’approche.
Doit-on craindre que Toyota arrête les frais sur un constat d’échec comme en F il y a huit ans ?
Écoutez, dans ce genre de situation, c’est toujours compliqué de savoir ce qu’un grand dirigeant ou un « board » a en tête. On peut comprendre que la question se pose, que l’éventualité existe. Et espérer très fort que ça n’arrive pas tout de suite mais le plus tard possible...
Accroître notre présence aux Etats-Unis ”
Le bruit d’un prochain retrait de Porsche après celui d’Audi fin circule aussi avec insistance. La catégorie reine est-elle en danger ?
Le résultat des Heures du Mans constitue un sérieux avertissement. Un signal d’alarme. À une grosse poignée de minutes près, il n’y avait pas d’équipage LM P en haut du podium. Fort de ce constat, je pense qu’un virage s’impose. Une marche arrière, même... À mes yeux, la technologie hybride poussée à ce point n’intéresse pas le public. De toute évidence, l’endurance est trop perfectionnée, coûte trop cher. Si elle veut attirer de nouveaux constructeurs, elle doit proposer un défi plus simple, moins onéreux. En résumé : redevenir raisonnable.
La technologie hybride coûte trop cher ”